Charles Darwin et le Capitaine FitzRoy : une cohabitation houleuse à bord du Beagle ?

Le 27 décembre 1831, le HMS Beagle quitte Devonport pour un voyage autour du Monde qui devait durer cinq années. Son Capitaine, Robert FitzRoy, n'en est pas à sa première expédition, puisqu'il a déjà assuré le commandement du brick-sloop en Amérique du Sud. Mais pour ce nouveau voyage, l'Amirauté a concédé qu'un naturaliste soit embarqué à bord. L'heureux élu n'est autre que Charles Darwin, un jeune naturaliste diplômé de théologie de Cambridge, et quatre ans le cadet de FitzRoy. Leur rencontre, puis leur cohabitation à bord du navire, ne fut pas de tout repos ! Et met en lumière le caractère particulièrement ombrageux du jeune officier de la Royal Navy.



Lorsqu'en 1830 l'idée d'une nouvelle expédition germe dans l'esprit de Robert FitzRoy, il s'agit de ramener en Terre de Feu les trois Fuegiens afin qu'ils fondent, sous la tutelle du missionnaire Matthews, une mission chrétienne sur ces terres hostiles. Il n'est alors nullement question d'exploration scientifique autour du Monde. Ne trouvant pas de navire susceptible de voguer jusqu'en Terre de Feu, FitzRoy est prêt à payer lui-même l'armement d'un bâtiment. Mais il lui faut pour cela obtenir l'autorisation de prendre congé de l'Amirauté. L'affaire semble tourner à son désavantage. Heureusement son oncle George FitzRoy, 4ème Duc de Grafton, et son ami Francis Beaufort, hydrographe de l' Amirauté britannique en charge des expéditions d'exploration, intercèdent en sa faveur. Le 25 juin 1831, le Lieutenant FitzRoy est reconduit Capitaine du HMS Beagle. Mais il lui faudra tout de même financer en partie l'armement du navire.

En tant qu'hydrographe de l'Amirauté britannique, Francis Beaufort a la main sur l'organisation des expéditions d'exploration. Il conçoit donc pour l'expédition du HMS Beagle un plan de navigation et rédige des ordres de mission à l'attention de son commandant. FitzRoy reste libre de fonder une mission chrétienne en Terre de Feu, mais il devra financer ce projet sur ses propres deniers (et avec le concours de la Church Mission Society qui pourvoit à l'achat de tout le matériel et provisions). L'Amirauté souhaite que le second Voyage du HMS Beagle se consacre avant tout à des travaux cartographiques, topographiques, géographiques et météorologiques. Beaufort forme préalablement FitzRoy dans ces domaines scientifiques. Robert, qui fut reçu avec la note maximale en mathématiques lors de son examen de Lieutenant, est un élève appliqué aux progrès aussi brillants que rapides.

FitzRoy conçoit même de plus ambitieux projets scientifiques pour son expédition. Au fait des interrogations savantes de son époque, il demande expressément à Beaufort « qu'un gentleman bien éduqué et scientifique recherché » puisse embarquer à bord du Beagle. Le terme de scientific gentleman correspond au XIXème à un scientifique financièrement indépendant et non-affilié à une institution savante en particulier. La demande est acceptée ; l'oiseau rare recevra sa nomination de l'Amirauté mais pourra, de par son statut de gentleman-naturaliste, se consacrer pleinement aux sciences de terrain sans aucune contrainte de service a bord, ni de devoir auprès d'une quelconque société savante. Double intérêt de la place, Robert FitzRoy craint par-dessus tout que l'ennui de longs mois solitaires en mer ne mène son humeur vers quelques idées noires. Tout comme il est parvenu à recruter deux de ses amis comme Lieutenants à bord du Beagle, il cherche grâce à ce poste de naturaliste embarqué, à partager son quotidien en mer avec un compagnon de voyage. La même démarche l'anime lorsqu'il invite l'artiste-peintre Augustus Earle à rejoindre l'expédition en tant que passager.



Andrew Burt dans le rôle du Capitaine FitzRoy, "The Voyage of Charles Darwin" (1978), BBC Television.


Francis Beaufort ayant accepté de nommer un naturaliste pour cette expédition, il fait part de sa recherche du candidat idéal à l’ecclésiastique et mathématicien George Peacock, de l'Université de Cambridge. Celui-ci relaie la demande auprès du Pr. Henslow, et après quelques regrettables défections, Henslow soumet le nom de son jeune protégé, Charles Darwin. Le Capitaine FitzRoy a 26 ans, Darwin en a 22 ; et pour le Pr. Henslow, le courant ne pourra que bien passer entre ces deux hommes de la même tranche d'âge.

Charles doit tout d'abord obtenir l'autorisation paternelle avant d'accepter la proposition. Nous ne reviendrons pas ici sur cet épisode majeur de sa biographie ; cependant une fois cette formalité réglée, le jeune homme se rend à Londres le 3 septembre 1831 afin d'y rencontrer FitzRoy. Il n'a alors pour tout renseignement sur le Capitaine que le portrait que lui en a dressé son camarade d'études Alexander Charles Wood, jeune cousin de FitzRoy et à peine âgé de 21 ans. Seulement voilà, le Capitaine n'est guère d'humeur à accueillir le jeune Charles, comme il l'écrit à son cousin Alexander Wood le 4 septembre. Darwin est dépité, et le Pr. Henslow s'en montre très irrité contre le Pr. Peacock, l'instigateur à l'origine de cette offre de gentleman-naturaliste à bord du Beagle.

Charles tient malgré tout à rencontrer le Capitaine FitzRoy. C'est chose faite le 5 septembre 1831. Une initiative bienheureuse, car il apprend que le Capitaine avait l'intention de convier pour ce poste un ses amis (Harry Chester), mais que l'intéressé vient de décliner. La place est donc à nouveau libre, si Charles l'accepte toujours. Cependant Robert FitzRoy le prévient, il faudra partager sa cabine. Le Capitaine serait fort peiné de placer son invité dans l'embarras ou l'inconfort, mais s'il lui demande l'usage exclusif de sa cabine, Charles devra s'y plier sans discuter.

FitzRoy lui semble aussi franc qu'ombrageux, et bien qu'impressionné par le personnage, Charles s'inquiète quelque peu de ces sautes d'humeur à venir. Mais la perspective quasi assurée d'embarquer à bord du navire pour un très probable tour du Monde l'emporte largement sur ces craintes. Darwin dîne avec FitzRoy le soir même. Dans ses lettres adressées à son père et ses sœurs, Darwin semble admirer de ce jeune Capitaine, dans des termes qui peuvent sembler particulièrement excessifs. Probablement le jeune homme, qui marche sur des œufs concernant l'approbation paternelle, surjoue l'entente parfaite ! Il est question que les deux hommes se revoient dans quelques jours. Darwin ne reste pas inactif durant ce temps. Il négocie les conditions de sa nomination auprès du Capitaine Beaufort. Sa liberté scientifique est assurée, tout comme sa place en tant que naturaliste à bord, mais il devra financer son Voyage sur ses propres deniers. Nous comprenons mieux l'enthousiasme sans faille dont il fait preuve de ses lettres, alors qu'il doit rassurer son mécène de père !

Une seconde entrevue entre Charles et Robert est fixée le 7 septembre. Puis du 10 au 13 septembre, Darwin accompagne FitzRoy en mer depuis Londres jusqu'à Devonport (Plymouth). Charles s'attend à ce qu'une amitié naisse entre lui et le jeune Capitaine, bien qu'il tempère son enthousiasme dans ses lettres. Face au caractère singulier de Robert FitzRoy, que certains auteurs contemporains suspectent de troubles bipolaires, Charles doit faire preuve de plus de lucidité et ne peut cacher plus longtemps ses craintes à son père et à ses sœurs. Après ces premiers jours au contact de FitzRoy, Darwin ne renonce point, mais a fort bien compris que la promiscuité en mer rendra plus d'une fois la cohabitation difficile avec le Capitaine. Il lui faudra faire preuve de tolérance et de compréhension s'il ne veut pas froisser irrémédiablement l'ombrageux FitzRoy. Et force est de reconnaître que mis à part quelques coups de tonnerre, Darwin y parvint plutôt bien durant ces cinq années de Voyage. Mais comment se fait-il que Robert FitzRoy, si réticent dans un premier temps à accueillir Charles à bord du Beagle, ait changé aussi subitement d'avis au point de l'embarquer dès à présent avec lui dans ses préparatifs de départ ?

Nous devons ce revirement d'humeur à l'entremise de son cousin Alexander Wood, qui a habilement recommandé le jeune Charles auprès du Capitaine. Peut-être que la franchise du cousin a joué en sa faveur : Robert est informé des opinions politiques du jeune homme, nettement opposées aux siennes. Le Capitaine FitzRoy est un représentant du parti tory, droite conservatrice anglaise, et profondément croyant. Il défend l'esclavage et ne tolère guère de discours progressistes à ce sujet. Charles est, tout comme son entourage familial, de conviction whig. C'est un libéral progressiste attaché à l'anti-esclavagisme, plutôt par coutume familiale que par réelle conviction personnelle, mais son séjour au Brésil auront tôt fait de l'en convaincre définitivement. Darwin, diplômé en théologie, présente déjà un esprit scientifique rationnel. FitzRoy, doté d'un bel esprit logique, se laisse pourtant facilement séduire par ses croyances. Il est adepte d'une pseudo-science psycho-morphologique particulièrement en vogue à son époque. Darwin dans son Autobiographie relate comment, selon les principes de Lavater, le Capitaine FitzRoy se montra peu enclin à l'accueillir à bord car son nez lui paraissait traduire un manque foncier d'énergie ! Pour autant, la franchise de son cousin Alexander Wood plaît à FitzRoy. Au moins sait-il désormais à quoi s'en tenir concernant Charles. Peut-être cela eut pour effet de le rassurer, tout en identifiant quels sujets seraient à éviter pour une bonne entente. De plus, Charles est alors croyant, sans aucune raison de douter de sa foi, et diplômé de théologie. S'ils éviteront soigneusement les questions de doctrine lors de leurs conversations, la religion n'était pas pour autant un obstacle entre les deux hommes au début du Voyage. Enfin, lui et Charles partagent un centre d'intérêt commun qui pourra leur donner matière à discussion : tous deux se passionnent pour la géologie !


Robert Fitzroy (Christopher Hoult) et Charles Darwin (Michael Beakhouse), interprétés au théâtre dans "Darwin & FitzRoy" (2014), une mis en scène de Kate Shaw.


Capitaine autoritaire mais marin accompli, FitzRoy n'en demeure pas moins un hôte attentionné. Soucieux de témoigner de l'amitié envers ce jeune homme qui l'accompagnera dans ce périple, il lui offre un exemplaire du premier volume des Principes de géologie de Charles Lyell. Fervent chrétien, FitzRoy n'en reste pas moins un esprit scientifique vif et curieux. Or les polémiques savantes sur l'âge de la Terre et les temps géologiques nécessaires pour façonner les paysages ne lui ont pas échappées. FitzRoy a rapidement parcouru l'ouvrage récemment paru, et prend au vol la suggestion de Lyell qu'on lui transmettre toute observation géologique originale qui pourrait confirmer – ou infirmer – ses hypothèses.

De son propre aveu dans ses Narratives (1839), FitzRoy exprimait même avant le départ de l'expédition son scepticisme sur une interprétation scientifique des Écritures. Il doutait que l'accumulation de couches profondes de sédiments ne se soit mise en place en seulement quarante jours du Déluge de Noé. Pour autant, FitzRoy n'est en rien un esprit athée. Il présente une ferveur religieuse et explique son scepticisme par sa méconnaissance des Écritures. Ses ambitions scientifiques sont avant tout pragmatiques, motivées par l'impérieux besoin de découvertes confortant la puissance de l'Angleterre et de la Royal Navy. Il aura tôt fait au cours des années à venir de se débarrasser de son scepticisme pour verser dans une foi toujours plus radicale.

Si Charles fut initialement fortement impressionné par la personnalité de FitzRoy, l'ascendant du Capitaine sur son compagnon de voyage va progressivement décliner au cours des années suivantes. FitzRoy possède un caractère coléreux, prompt à s'emporter, mais reste pour autant loyal et fidèle en amitiés. Son caractère singulier durant le Voyage nous est décrit par Darwin dans son Autobiographie. Et il faut bien avouer que l'équipage dut lui aussi composer avec les colères de son Commandant ! Le matin, FitzRoy est souvent d'humeur massacrante. A tel point que les officiers subalternes ont coutume de demander « si l'on avait servi beaucoup de café chaud ce matin », un code bien établi pour se renseigner discrètement sur l'humeur du Capitaine.

Une anecdote particulièrement parlante souligne les sautes d'humeur qui pouvaient emporter FiztRoy. Alors que le Capitaine se charge des préparatifs avant départ de 1831, une querelle éclate entre lui et un marchand de vaisselle de Plymouth. Darwin assiste à la scène. Pour un simple renseignement sur de la porcelaine, FitzRoy considère le marchand comme un escroc et s'emporte verbalement. Aussitôt sorti de la boutique, la colère se dissipe et le capitaine, encore bougon, confesse à Darwin son inapproprié coup de sang.

Charles le décrit d'ailleurs comme « soupçonneux, parfois très abattu, et, en une occasion, fut au bord de la folie ». La cohabitation commune dans la même cabine, malgré les aménagements, s'annonce délicate, bien que FitzRoy demeure « extrêmement affable envers moi ». Aussi, Darwin dut se sentir soulagé de pouvoir finalement tendre son hamac dans la salle des cartes de la dunette ! FitzRoy était-il pour autant bipolaire ? Soufrait-il d'épisodes dépressifs ? Nous éviterons tout diagnostic psychologique ici, mais ces questions méritent d'être posées tant les suspicions sont sérieuses. Deux facettes de FitzRoy s'affrontent en permanence. Un homme brillant, au talent hors du commun ; et un être hyper-sensible, s'emportant facilement ou s’abîmant dans de profonds épisodes de désespoir. Plusieurs épisodes célèbres du Voyage illustrent cela.

Lors d'une escale à Concepción (Chili), FitzRoy est surmené et abattu. Au bord du "burn-out" comme nous dirions aujourd'hui. Il se plaint amèrement de devoir organiser un "dinner-party" pour entretenir de bonnes relations entre la Royal Navy et les notables locaux. La perspective l'épuise. Darwin croit bon de l'inviter à prendre plus de repos, quitte à délaisser cette corvée mondaine. FitzRoy éclate immédiatement de fureur. Darwin n'insiste pas, quitte la cabine et retourne à Concepción où il logeait alors temporairement. Quelques jours plus tard, le Capitaine est de nouveau cordial envers lui, comme si rien ne s'était passé. M. Wickham, Premier Lieutenant à bord, ne peut s'empêcher de formuler quelques remontrances à Darwin. Le jour même de la dispute, FitzRoy n'eut de cesse de maugréer sur Darwin. Épanchant son humeur massacrante auprès de son Second, il lui tint la conversation jusqu'à minuit. E hors de question de s'éclipser durant le monologue sans fin du Capitaine ! Wickham exhorte Darwin de ne plus quitter le navire au moindre coup de tonnerre du Commandant, ses nuits étant assez courtes d'ordinaire pour en rajouter !

Durant son séjour de mars 1833 aux îles Malouines, FitzRoy acheta une goélette sur ses propres fonds pour l'aider à mener à bien les travaux de levés topographiques qui lui avaient été confiés. Il la fit réaménager et la rebaptisa Adventure, espérant que le coût de l'opération lui serait remboursé par l' Amirauté. En août 1834 à Valparaiso, alors que Darwin était absent du navire pour une excursion géologique jusqu'au pied des Andes, la réponse de l'Amirauté lui parvint. FitzRoy est réprimandé pour avoir acheté l'Adventure. Robert prit si mal la critique qu'il vendit sur-le-champ la goélette, se lamentant que les relevés effectués à son bord n'avaient que peu de valeur. Puis il annonça avec fracas sa démission de son commandement, plaignant sa pauvre santé d'âme. Les officiers du navire le persuadèrent in extremis de retirer sa démission et de continuer l'expédition comme prévu une fois Darwin de retour à bord.

A l'inverse, FitzRoy peut se montrer particulièrement euphorique et d'une attention poussée au zèle. Il s'enquiert fréquemment du confort de ses passagers, Darwin compris. Pour son bien-être, il l'autorise progressivement à jouir de la salle des cartes de la dunette comme d'une cabine privée – à la condition que la pièce puisse conserver son rôle de salle de travail pour les officiers. Il lui détache même le service du jeune Syms Covington, garçon de cabine de dunette, qui devient dès avril 1833 l'assistant et secrétaire de Darwin ! De bonne grâce, il arrange bon nombre de débarquements terrestres du jeune naturaliste, l'autorisant à séjourner plusieurs semaines sur la terre ferme, repoussant même son départ de Valparaiso alors que Darwin tient le lit en ville (octobre 1834). Relisant des extraits de son Journal de Bord après l'escale au Cap-Vert (janvier – février 1832), il s’enthousiasme et l'encourage vivement à publier son récit de voyage au terme de l'expédition.

Malgré leurs intentions de ne point engager de sujet susceptible de fâcheries, les querelles de Darwin et de FitzRoy portèrent malheureusement aussi sur la politique. Un jour de 1832 à Bahia (Brésil), les deux hommes se disputent violemment au sujet de l'esclavage. Alors qu'ils visitent le domaine d'un propriétaire d'esclaves, FitzRoy demande à les questionner sur leur sort en présence du maître des lieux. Aucun esclave n'ose se plaindre de son sort, bien évidemment. FitzRoy soutenait l'esclavage. Darwin, qui découvre de ses propres yeux au Brésil cette pratique avilissante, l'avaait déjà en horreur. FitzRoy voit en son anecdote une justification morale imparable de l'esclavage. Darwin lui rétorque qu'il existe un biais d'interprétation dans son raisonnement, puisque l'interrogatoire de l'esclave se fait en présence du maître. FitzRoy éclate de colère. Puisque Darwin ose mettre en doute sa parole, il le menace de l'expulser du navire et de le débarquer au Brésil ! L'ire du Capitaine dure toute la journée, FitzRoy convoque même M. Wickham, Premier Lieutenant à bord du Beagle, dans le seul but qu'un auditeur l'écoute des heures durant alors qu'il ne cesse de maugréer après Darwin ! Puis vint le soir, et les officiers compatissants du poste des aspirants invitent un Darwin bien malmené à dîner avec eux. FitzRoy fait remettre un mot d'excuse pour Darwin, le priant de bien vouloir rester vivre avec lui. Tout est pardonné, le Voyage peut se poursuivre.

Le Capitaine est également un homme particulièrement discret ; peut-être même trop pour les conventions sociales de l'époque. Peu après le retour du Beagle, en octobre 1836, FitzRoy épouse Mary Henrietta O'Brien, une jeune femme avec laquelle il était fiancé bien avant le départ de l'expédition. Darwin est stupéfait par la nouvelle, car FitzRoy n'avait pas une seule fois évoqué ses fiançailles au cours des cinq années du Voyage ! L'anecdote révèle un tempérament fermé, et peut-être une sorte d'incapacité à sociabiliser correctement, malgré un besoin compulsif de s'entourer d'une compagnie rassurante et variée pour lutter contre les idées noires de la solitude.

Darwin et FitzRoy avaient probablement en commun leur haut potentiel intellectuel ainsi que des difficultés d'ordres sociales. Charles le devait à son Asperger, Robert à sa bipolarité. Leur rencontre, puis leur cohabitation à bord du Beagle, aurait bien pu tourner court en raison de ces deux esprits aussi difficiles à concilier ! Et pourtant, leur bonne éducation combinée à de réels efforts d'entente cordiale permit d'éviter le pire, à savoir le renvoi prématuré de Charles au cours de l'expédition du Beagle. Il s'en fallut de peu, connaissant l'humeur ombrageuse du Capitaine ! Plus surprenant encore, Charles et Robert conservèrent leurs liens d'amitié pendant des années, jusqu'à ce que la jalousie et le désaccord religieux ne finissent par les brouiller définitivement. Mais les dés en étaient déjà jetés, le jour même de leur premier entretien.


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