Robert FitzRoy, icône créationniste ?

Personnage ombrageux, mais marin d'exception et scientifique visionnaire, Robert FitzRoy était aussi un fervent chrétien. Ses opinions religieuses n'ayant eu de cesse de diverger de celles de Darwin au cours de sa vie, le destin des deux hommes est souvent comparé. Le célèbre Capitaine du HMS Beagle, d'un esprit croyant mais sceptique avant le second Voyage du HMS Beagle, adopta un chrétien radical et même un fervent adversaire de l'Origine des Espèces ! Sa foi très orthodoxe ne manqua pas d'interpeller les auteurs créationnistes, qui ont cru voir en FitzRoy une figure contrebalançant l'athéisme matérialiste de Darwin. Mais FitzRoy est-il vraiment ce « chevalier blanc » pourfendeur du darwinisme que ces auteurs nous présentent ? Dans cet article, je vous propose de revenir aux origines du radicalisme religieux de FitzRoy, avant de comparer sa démarche intellectuelle à celle de Darwin. Nous pourrons ainsi répondre à la question qui nous intéresse ici : Robert FitzRoy, contemporain de Darwin, est-il son alter-ego créationniste ?

Les croyances religieuses de Robert FitzRoy ont évolué au cours de sa vie. Il semble qu'il se soit progressivement radicalisé durant les années 1830, notamment sous l'influence de sa première épouse, Mary Henrietta O'Brien (mariage en 1836). Mais avant cette orthodoxie revendiquée, FitzRoy était avant tout animé par une forte volonté de christianisation des peuples autochtones. Ceci dès ses premiers pas en tant qu'officier dans la Royal Navy. Au cours de la Première expédition du Beagle (1825-30), FitzRoy reçut le commandement du brick-sloop après le funeste suicide de son Capitaine Stockes. Au cours du périple, FitzRoy retint captif quatre jeunes Fuégiens qu'il ramena en Angleterre. Trois amérindiens survivèrent à leur arrivée en Angleterre. Le Capitaine avait prévu d'éduquer les jeunes Fuégiens à ses frais en leur apprenant l'anglais, le christianisme, quelques rudiments de techniques ainsi que les bonnes manières. Il projetait de les ramener en Terre de Feu pour qu'à leur retour et assistés d'un missionnaire, ils puissent convertir leurs semblables. FitzRoy était prêt à financer lui-même cette nouvelle expédition en Terre de Feu, ce qu'il dût faire en partie, après que l'Amirauté ait validé sous certaines conditions son projet. Cet épisode souligne déjà la forte dévotion chrétienne de Robert FitzRoy, mais également un certain attachement au sort des Fuégiens. Même si sa bienveillance était teintée de desseins civilisationnels d'européanisation des peuplades amérindiennes.

Cette Seconde expédition du HMS Beagle enfin approuvée par l'Amirauté, FitzRoy obtint l'autorisation d'embarquer à bord un naturaliste qui se chargerait des collections accumulées au cours du voyage. Au final, le profil du jeune Charles Darwin, tout juste diplômé de théologie, lui fut suggéré par l'entremise du Pr. Henslow. Lors de ses premières rencontres avec Charles, FitzRoy manifesta d'abord un refus glacial, avant de revenir sur sa position et d'accueillir chaleureusement le jeune homme à bord. Il lui offrit, par l'intermédiaire du Pr. Henslow, un exemplaire du premier tome des Principes géologiques de Lyell, qui vient tout juste de paraître. FitzRoy traversait alors une période de doute religieux. Comme il le raconta dans ses Narratives (1839), FitzRoy exprimait durant ces jeunes années son scepticisme concernant le Déluge biblique :


« Much of my own uneasiness was caused by reading works written by men of Voltaire's school; and by those of geologists who contradict, by implication, if not in plain terms, the authenticity of the Scriptures » Robert FitzRoy, Narratives.

« While led away by sceptical ideas, and knowing extremely little of the Bible, one of my remarks to a friend, on crossing vast plains composed of rolled stones bedded in diluvial detritus some hundred feet in depth, was "this could never have been effected by a forty days' flood,"—an expression plainly indicative of the turn of mind, and ignorance of Scripture » Robert FitzRoy, Op. Cit.


Durant la première moitié du XIXème siècle, une majorité de géologues cherchent à expliquer le paysage géomorphologique et les premières découvertes de la toute jeune paléontologie par une lecture plus ou moins fidèle des Écritures. L'hypothèse du catastrophisme, alors en vogue pour concilier religion et histoire naturelle, est cependant rejetée par Charles Lyell, qui lui oppose l'idée d'actualisme. FitzRoy suit les débats avec intérêt, et se montre presque séduit par l'idée d'une Terre ancienne. Il voit ainsi dans cette seconde expédition du Beagle une occasion de relever l'appel de Lyell, désireux qu'on lui rapporte toute observation géologique autour du Globe susceptible de confronter ses propres hypothèses. L'affaire est donc rapidement conclue. Si le missionnaire Matthews eut la charge de la mission religieuse du Beagle, FitzRoy assura le volet cartographique et météorologique de l'expédition, et enfin Darwin s'occupa des inventaires naturalistes.

La cohabitation de Charles Darwin et Robert FitzRoy à bord du HMS Beagle a nourri à tort de nombreux fantasmes, notamment au sujet de leurs opinions religieuses. Il est vrai que plusieurs disputes éclatèrent entre les deux jeunes hommes, mais elle ne concerna presque jamais leur foi ou leurs doctrines respectives. Rappelons qu'au cours de l'expédition, Darwin et FitzRoy partageaient les mêmes croyances chrétiennes, aussi n'avaient-ils aucune raison majeur de s'opposer sur ce point. Charles était un jeune diplômé de théologie du Christ's College de Cambridge. Sa foi chrétienne est d'autant plus vive qu'il envisage alors, une fois de retour en Angleterre, d'embrasser la carrière de pasteur-naturaliste. Charles se réfère fréquemment à la doctrine chrétienne, au point de s'attirer même les quolibets des officiers à bord ! Cependant, il ne semble pas interpréter l'Ancien Testament comme une véracité historique, si l'on en croit les travaux de Nora Barlow. A l'inverse, FitzRoy était un partisan Tory favorable à l'esclavage, tandis que Darwin était un partisan Whig issu d'une famille militant contre l'esclavage. Ce n'est donc pas sans surprises que leurs querelles portèrent principalement sur des sujets de société.



Il semblerait cependant que la conversion de FitzRoy vers un radicalisme religieux ait été progressive. Dans ses Narratives, Robert détaille ses propres observations au cours du Voyage du Beagle. Il s'attarde plus particulièrement sur son exploration du fleuve Rio Santa Cruz, en Patagonie. Selon lui, cette expédition fluviale aurait infirmé définitivement son scepticisme religieux. Peu à peu, il infléchit donc ses pensées vers les Écritures. Pour autant, ces révélations religieuses n'apparaissent guère dans son compte-rendu géographique de l'expédition fluviale (1837). Ce serait même le contraire. Devant la Royal Geographical Society, il s'exprime :


« N'est-il pas extraordinaire que des galets roulés et usés par la mer et des accumulations alluviales composent la plus grande partie de ces plaines ? Quelle a dû être l'ampleur et la durée de l'action de ces eaux qui ont poli les galets aujourd'hui enfouis dans les déserts de Patagonie ! » (FitzRoy, 1837).


Quelle fut alors la chronologie des pensées de FitzRoy ? L'intéressé lui-même en livre un récit autobiographique dans ses Narratives (1839). Imprégné de scepticisme à la lecture des travaux critiques des géologues avant le Second voyage du Beagle, il avoue avoir durant cette époque remis en cause la véracité historique des Écritures. Cependant, il reconnaît une certaine ignorance de l'Ancien Testament durant ses jeunes années, prétexte selon lui à cette époque de doute. Alors que débute la seconde expédition du Beagle, le Capitaine FitzRoy détient également la charge religieuse et morale de l'équipage. Un rôle qu'il prend particulièrement à cœur, et qui l'aurait également conduit à reconsidérer son scepticisme précédant. Tandis que Darwin accumule les preuves géologiques d'un soulèvement progressif du continent sud-Américain, FitzRoy remise donc ses doutes pour embrasser une morale religieuse irréprochable.

Son mariage avec la dévote Mary Henrietta O'Brien en 1836 eut tôt fait de parfaire sa transformation religieuse. Pour Sibley (2005), son épouse ne fit que renforcer son orthodoxie, faisait remonter le point de bascule véritable à l'exploration du Rio San Cruz en 1834. Tandis que Kaloyirou (2017) attribue cette nouvelle dévotion aux seuls encouragements de sa jeune épouse. Toujours est-il que FitzRoy ne dévoile pas publiquement son orthodoxie avant 1839 dans ses Narratives. Désormais convaincu par une interprétation créationniste de la Terre jeune, FitzRoy s'attache à démontrer que seule une lecture attentive de la Bible permet d'expliquer une origine crédible du Monde. Mieux encore selon lui, ses propres observations des couches stratigraphiques visibles dans les canyons du Rio Santa Cruz ne peuvent s'expliquer que par l'épisode biblique du Déluge. Sinon, comment ces couches de coquillages auraient-elles pu se déposer si loin dans les terres de Patagonie ?


« It appeared to me a convincing proof of the universality of the deluge. I am not ignorant that some have attributed this to other causes; but an unanswerable confutation of their subterfuge is, that the various sorts of shells which compose these strata both in the plains and mountains, are the very same with those found in the bay and neighbouring places. Among these shells are three species very remarkable: the first is called 'choros,' already mentioned in our description of Lima; the second is called 'pies de burros,' asses' feet; and the third 'bulgados,' and these to me seem to preclude all manner of doubt that they were originally produced in that sea, from whence they were carried by the waters, and deposited in the places where they are now found » Robert FitzRoy, Narratives.


Darwin, quant à lui, revint de ce Voyage autour du Monde avec la certitude que l'âge de la Terre est bien plus ancien que ne s'accordent alors à le dire les savants de son époque. De même, le catastrophisme ne peut expliquer les couches géologiques qu'il a pu étudier en Amérique du Sud comme au Cap Vert. Les deux hommes ont parcouru le même périple autour du Monde, et pourtant ils s'apprêtent à suivre deux chemins opposés. Leur amitié ne semble pas en souffrir dans un premier temps. Darwin facilita l'entrée de FitzRoy dans les cercles scientifiques de leur époque, comme la Royal Geographical Society. La publication des Narratives des deux expéditions du HMS Beagle devait alors couronner les efforts du Capitaine FitzRoy. Le troisième tome, rédigé par Darwin, sort peu de mois avant le second tome de FitzRoy. Ce dernier lui reproche à sa parution de ne pas se montrer suffisamment reconnaissant envers la Royal Navy et les officiers à bord. Mais ces reproches cachent surtout une certaine rancœur naissante. Le troisième tome baptisé Journal of Researches (1838) est un succès éditorial, alors que les épreuves du second tome sont en retard. Pire encore, les Narratives (1839) de FitzRoy n'égaleront pas le succès de Darwin en librairie ! L'orgueil de Robert est piqué au vif, mais les deux hommes continuent à se fréquenter. Pour un temps cependant ; outre la période de gouvernance de FitzRoy en Nouvelle-Zélande, les visites de ce dernier à Down House vont s'interrompre lorsque paraît l'Origine des Espèces (1859).

FitzRoy joue alors un double jeu troublant. Homme politique et scientifique pour le grand public, il n'hésite pas à user d'un pseudonyme pour attaquer les savants contredisant son orthodoxie religieuse. En 1859, le géologue Charles Lyell annonce valider les indices découverts dans la Somme par Jacques Boucher de Perthes, qui attestent de l'existence de l'Homme en des temps antédiluviens. Nous sommes à l'aube du concept scientifique de « Préhistoire ». Selon Sibley (2005) ; FitzRoy aurait fait publier dans le Times une cinglante critique de cette découverte sous le pseudonyme de « Senex ». Comble de l'ironie, FitzRoy entendait pourtant défendre la science face à ses détracteurs ; il démontra ainsi que la méthode pseudo-scientifique de prévision météorologique de l'astrologue Stephen Martin Saxby n'était qu'un « charlatanisme lunaire » ! Mais que le sujet contredise les Écritures, et FitzRoy perdait tout esprit rationnel.


Durant le célèbre Débat entre le Pr. Huxley et l'évêque Wilberforce (ou débat d'Oxford) suite à la publication de l'ouvrage majeur de Darwin, "L'Origine des Espèces", FitzRoy se fit remarquer par une intervention théâtrale remarquée. Les détails de cette joute verbale qui eut lieu 30 juin 1860 durant la séance annuelle de la British Association for the Advancement of Science sont fort bien connus des historiens des sciences. FitzRoy était présent ce jour-là afin de présenter un article météorologique sur les tempêtes. Il semble que l'agitation entre Huxley et Wilberforce ait tôt fait d'attirer son attention. Après une tirade provocatrice de Huxley achevant de rejeter les arguments religieux de Wilberforce, des spectateurs religieux se lèvent et protestent bruyamment contre ce discours "blasphématoire". L'amiral FitzRoy alors présent agite frénétiquement une Bible, exhortant l'auditoire de croire en Dieu plutôt qu'en l'homme. Puis, il crie par-dessus le vacarme que c'est ce livre, et non « le serpent [qu'il avait] hébergé sur son bateau, qui forme l'autorité véritable et intouchable » !


***


FitzRoy n'a pas été oublié des spécialistes d'histoire navale, cependant sa carrière scientifique fut dès son vivant éclipsée par celle de son célèbre passager. Personnage ombrageux, suspecté par les auteurs contemporains de bipolarité, il connut la fin tragique qu'il redouta toute sa vie le 30 avril 1865, lorsqu'il se trancha la gorge avec son propre rasoir. « A maints égards, c'était l'un des caractères les plus nobles que j'aie jamais connus, bien qu'il fut terni par de graves défauts ». L'épitaphe de Charles Darwin dans son Autobiographie démonte toute son admiration nuancée pour son Capitaine, au-delà des querelles idéologiques qui déchirèrent leur amitié. Grand humaniste qui, par son implication en faveur des Maoris contribua à préserver leur culture en Nouvelle-Zélande, FitzRoy devait mourir dans un quasi-dénuement. Tragique sort que celui du Capitaine d'une des plus célèbres expéditions navales de notre Histoire ! Chrétien animé d'une croyance des plus orthodoxes même pour l'époque, FitzRoy sert aujourd'hui de figure anti-darwiniste auprès de certains auteurs créationnistes. Lui qui croyant au Déluge biblique et se figurait une Terre jeune à la manière des additionneurs méthodistes mérite-t-il de devenir une icône créationniste à même de déboulonner Darwin de son héritage ? C'est ce que nous allons examiner à présent.

FitzRoy s'est abondamment exprimé dans ses Narratives (1839) sur sa foi chrétienne face aux connaissances scientifiques de son époque. Mathématicien cartographe, météorologiste réputé pour avoir posé les bases de la prévision météorologique marine, FitzRoy possède une solide image de scientifique du XIXème siècle. Pour autant qu'il puisse paraître un scientifique accompli, ses compétences ne portent en rien sur la géologie et l'évolution des espèces. Aussi ses réflexions sortent de son propre champ de compétence et posent même un réel problème méthodologique : FitzRoy ne déduit pas ses conclusions de ses observations, mais cherche à influencer ces dernières à la lumière de l'Ancien Testament. Sa démarche est donc celle d'un croyant et non d'un scientifique. S'il reste tout à fait honorable pour son époque d'exposer ainsi sa foi, il n'en demeure pas moins que sa méthode ne peut être retenue comme scientifique – et son argumentaire encore moins à même de réfuter de manière solide les travaux géologiques ou évolutionnistes de Darwin.



Dans ses Narratives, FitzRoy avoue s'intéresser à la géologie, discipline pour laquelle il avait le plus grand respect bien qu'il n'était pas géologue de formation. Il ne cache pas son scepticisme de jeunesse concernant les Écritures, et blâme ces égarements comme une erreur passagère qu'il met sur le compte de son ignorance des textes religieux. En conséquence, son scepticisme d'avant la seconde expédition du HMS Beagle (1831 – 1836) semble plus une mise à l'épreuve de sa foi chrétienne qu'une démarche scientifique rigoureuse. FitzRoy ne cherche nullement à s'émanciper des Écritures, mais à confirmer sa foi à travers ses souvenirs de voyage.


« I was quite willing to disbelieve what I thought to be the Mosaic account, upon the evidence of a hasty glance, though knowing next to nothing of the record I doubted:—and I mention this particularly, because I have conversed with persons fond of geology, yet knowing no more of the Bible than I knew at that time » Robert FitzRoy, Narratives (1839).


Tout à l'inverse de Darwin, pourtant diplômé en théologie et bien meilleur connaisseur des Écritures que FitzRoy au début du Voyage. Darwin était également géologue de formation, discipline qu'il a étudié à Cambridge durant le premier semestre 1831 et dont il a appris la méthodologie de terrain au cours de son voyage de fin d'étude au Pays de Galles durant l'été 1831. Il applique donc à chacune de ses observations rigueur et méthode scientifique, tâchant de ne laisser aucun préjuger venir entacher ses conclusions. Ce n'est que progressivement, indice après indice, qu'il parvient à corroborer le principe d'actualisme de Charles Lyell. Le jeune Darwin ne rejette donc nullement l'hypothèse d'un Déluge par apostasie, mais parce que cette interprétation littérale de la Bible ne colle pas avec la réalité géologique du terrain.

Or la lecture des Narratives de FitzRoy (1839) souligne à de multiples reprises son attachement dogmatique aux textes religieux. Son « all men are of one blood » sonnant comme un appel humaniste à rassembler toutes les « races » humaines autour du même lien de sang n'est en réalité qu'un rappel de la Genèse sur l'origine de notre espèce. En réalité, pour FitzRoy, la diversité de couleur de peau dans l'espèce humaine ainsi que leur répartition géographique s'explique aisément par l'Ancien Testament. Comment attacher la moindre importance scientifique à une explication aussi viscéralement attachée à une lecture biblique de l'espèce humaine ? Il suffit de peu de références, s'il le faut aujourd'hui encore, pour rappeler que la génétique éclaire sans ambiguïté sur l'origine de la diversité de peau au sein de l'espèce humaine – et sans recourir au concept fallacieux de « races » ou à une quelconque interprétation religieuse de la question.


« That colour is not alone dependant upon, or caused by climate, however much it may be altered by exposure to sun and wind, or by seclusion, no person can doubt who has at all attended to the subject, and read the opinions of men who have made it their study: but that its various hues may be derived from intermarriage, without any change of climate, this table goes far to prove. Having seen how all the varieties of colour may be produced from white, red, and black, we pause, because at fault, and so we should remain, did we rely on our own unassisted reason. But, turning to the Bible, we find in the history of those by whom the earth was peopled, after the flood, a curse pronounced on Ham and his descendants; and it is curious that the name Ham should mean "heat—brown—scorched," while that of Cush his son, means "black:" that Japheth should imply "handsome," and that Shem, from whose line our Saviour was descended, should mean "name—renown—he who is put or placed." I cannot myself read this explanation of Cush, and the denunciation "Cursed be Canaan—a servant of servants shall he be unto his brethren," without believing that Cush was a negro, and that from the intermarriages of his descendants with those of Shem and Japheth, came hosts of mulatto, copper, or dark-coloured men who peopled a great part of Asia, Polynesia, America, parts of Africa, and part of Australia. According to this view the black descendants of Cush overspread part of Africa, Australia, and Van Diemen's Land, New Guinea, and portions of other islands: while white families, children of Japheth and Shem, spread over Asia Minor, the Caucasian district, great part of Northern Asia, and the whole of Europe ». Robert FitzRoy, op. cit.


La géologie n'échappe pas non plus à une révision religieuse. FitzRoy rejette d'emblée la stratigraphie comme étant une science témoin de l'accumulation successive d'âges anciens de la Terre. Pour lui, la sédimentation est un processus suffisamment rapide pour corroborer avec une lecture littérale des Écritures.


« They have imagined an age in which only the 'so-called' lowest orders of animated creatures existed, an age of fishes, an age of reptiles, an age of mammalia, and an age in which man appeared: statements which have obtained much attention. Fossil fishes and shell mollusca have been found in coal measures, and in subjacent formations:—how could this have happened if vegetables had been produced first; then swept away and converted into coal, and that afterwards the lower orders of animals had appeared? We know that the fossil plants of the coal formations are similar in structure to vegetables now growing on the earth, which cannot flourish without warmth, and the light of the sun. Vegetation was produced on the third day, the sun on the fourth. If the third day was an age, how was the vegetable world nourished? But anomalies such as these appear to be endless in most geological theories: I will leave them for the present and continue my course » Robert FitzRoy, op. cit.


Enfin, Robert FitzRoy entend démontrer que l'histoire naturelle ne peut que s'appuyer sur une interprétation littérale de l'âge de la Terre selon la Genèse ; la durée des jours lors de sa Création ne souffrant aucune métaphore ou interprétation au-delà de l'alternance actuelle des jours et des nuits. FitzRoy rejette par la même occasion les quelques tentatives de conciliation de la théorie de la Terre jeune avec les données géologiques de son époque, et notamment l'hypothèse qu'un jour biblique dans la Genèse soit équivalant à un millénaire, argument alors en vogue en son temps.


« In this one verse do we not see that the day was less than a year (signs and seasons, days and years); for had the day there meant been more than a year would not the words have been differently placed, namely—signs and seasons, years and days? Can we think that day means one space of time in the former part, and another space of time in the latter part of that one verse? Another indication that the word day, used in the first chapter of Genesis, does not mean a period much, if at all, longer than our present day, is—that it is spoken of as alternating with night. Although the word day is used in other chapters of the Bible, even so soon as the 4th verse of the 2d chapter of Genesis, to express a period, or space of time longer than our present day, the word night is never so applied.—hence, as the earth turns uniformly on its axis, and, so far as we can reason from analogy, must have turned uniformly, while turning at all, the word night in the 5th verse interprets the length of a day » Robert FitzRoy, op. cit.


***


Comme nous l'avons vu, les Narratives de FitzRoy ne se limitent pas à un récit exhaustif de la seconde expédition du HMS Beagle. L'ouvrage rend également compte des réflexions religieuses de son auteur sur l'histoire naturelle et les contributions les plus récentes des géologues de son époque. La démarche de FitzRoy n'entend pas explorer de manière scientifique les travaux de Darwin ou ceux de Lyell. Robert ne cherche qu'à confronter de manière victorieuse sa propre foi chrétienne face à ces théories modernes. Aussi, considérer FitzRoy comme un auteur scientifique à même de réfuter l'actualisme et l'évolution des espèces équivaut à déformer ses intentions ; FitzRoy peut jouer le rôle d'icône créationniste pour certains auteurs, mais ses intentions le disqualifient face à une démarche scientifique rigoureuse. Confiant dans ses conclusions, il entend démontrer que les éléments à sa disposition ne peuvent que renforcer sa foi. En d'autres termes, la démarche de FitzRoy est l'exact opposé de la démarche scientifique moderne. Ses intentions peuvent séduire les auteurs créationnistes, mais elle fait appel à ses convictions religieuses et non à l'esprit scientifique dont il fit pourtant preuve dans ses propres travaux de recherche !

En tout état de cause, opposer sur le terrain scientifique FitzRoy et Darwin ne présente guère d'intérêt. Tous deux ont suivi des voies radicalement différentes, rendant la confrontation assez malvenue. Les frasques de FitzRoy lors de la confrontation entre Huxley et Wilberforce (1860) le soulignaient déjà de son vivant. En aucun cas, il ne s'agissait pour lui d'infirmer l'Origine des Espèces en se plaçant sur le terrain des idées scientifiques, mais de plaider sa foi chrétienne comme position morale supérieure dans cette dispute. Ce qui pose aussi, d'une certaine manière, un bon résumé de ses prises de position dans ses propres Narratives. FitzRoy était sans aucun doute une figure créationniste de son vivant. Mais comme nous l'avons vu dans cet article, sa démarche ne visait à renforcer sa propre foi chrétienne. S'il était tout à fait capable de réfuter les arguments de ses adversaires pseudo-scientifiques, il n'usa nullement de ces compétences pour affronter Darwin ou Lyell sur le terrain des idées scientifiques. Créationniste, à coup sûr, mais icône bien plus discutable que le rôle qui lui est désormais attribué par certains auteurs.



Notes bibliographiques :

FitzRoy, R. (1837). "Extracts from the Diary of an Attempt to Ascend the River Santa Cruz, in Patagonia, with the boats of his Majesty's sloop Beagle". Journal of the Royal Geographical Society of London. 7: 114–26. doi:10.2307/1797517. JSTOR 1797517.

FitzRoy, Robert (1839). Narrative of the Surveying Voyages of His Majesty's Ships Adventure and Beagle between the years 1826 and 1836. R.N. London: Henry Colburn.

Kaloyirou, N. (2017). The remarkable Captain Robert FitzRoy. Creation 40(1), p. 14–17.

Sibley, A. (2005). FitzRoy, Captain of the Beagle, Fierce Critic of Darwinism. Acts & Facts, 34(11).

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