[1834] Crise de nerfs à bord du HMS Beagle

Le 10 novembre 1834, le HMS Beagle fait voile vers Chiloé. Le capitaine FitzRoy a accepté de retarder le départ prévu en octobre pendant que Darwin était en convalescence chez M. Corfield à Valparaiso. « J'y gardai le lit jusqu'à la fin octobre. Ce fut une sérieuse perte de temps car j'avais espéré collecter de nombreux animaux. Très obligeamment, le Capitaine FitzRoy retarda le départ du Navire jusqu'au 10 novembre, date à laquelle je fus tout à fait rétabli » Charles Darwin, Journal de Bord. Il s'agit vraisemblablement de la première crise majeure de la maladie qui l'affecta tout au long de sa vie.

Lorsqu'il rembarque à bord, notre jeune homme fraîchement remis sur pied découvre quelques changements dans l'organisation de l'expédition. Premièrement, l'Adventure a été vendu. Et deuxièmement, le retour de M. Wickham et de son équipage entraîne un tel manque de place que M. Martens, l'artiste à bord, a dû quitter le Beagle. Mais Darwin va également apprendre que durant son absence, le capitaine a connu une telle déconvenue qu'il en a fait une terrible crise de nerfs. Mais que s'est-il donc passé ?

Pour mieux comprendre l'objet de la fureur du capitaine, revenons quelque peu en arrière. Durant son séjour de mars 1833 aux îles Malouines, FitzRoy acheta une goélette sur ses propres fonds pour l'aider à mener à bien les travaux de levés topographiques qui lui avaient été confiés. Il la fit réaménager et la rebaptisa Adventure, espérant que le coût de l'opération lui serait remboursé par l' Amirauté. En août 1834 à Valparaiso, alors que Darwin était absent du navire pour une excursion géologique jusqu'au pied des Andes, la réponse de l'Amirauté lui parvint. FitzRoy est réprimandé pour avoir acheté l'Adventure. Robert prit si mal la critique qu'il vendit sur-le-champ la goélette, se lamentant que les relevés effectués à son bord n'avaient que peu de valeur. Puis il annonça avec fracas sa démission de son commandement, plaignant sa pauvre santé d'âme. Les officiers du navire le persuadèrent in extremis de retirer sa démission et de continuer l'expédition comme prévu une fois Darwin de retour à bord.

Cette anecdote souligne le caractère ombrageux du capitaine du HMS Beagle, prompt à s'emporter, mais alternant tout autant les périodes de cordialité et de bienveillance envers son équipage. L'humeur changeante de FitzRoy a laissé penser à certains auteurs qu'il ait pu souffrir de troubles de bipolarité. Ses phases de désespoir finir hélas par l'emporter ; lui qui redoutait tant le suicide, il se donna la mort avec son rasoir le 30 avril 1865.


Le HMS Beagle (à gauche) et l'Adventure (à droite) à Port Désiré - Conrad Martens, 25 décembre 1833


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