[1833] Les potins de Shrewsbury

Pendant que Darwin parcourt le monde, la vie continue dans son Shropshire natal. Et comme dans toute bonne société qui se respecte, les potins vont bon train. Il se trouve que Darwin avait un faible pour ces histoires de voisinage ! Sa correspondance est remplie de référence aux gossips, ou racontars en anglais. Et pour lui fournir un compte-rendu détaillé des derniers commérages de Shrewsbury, sa sœur Caroline n'était pas en reste ! Prenons pour exemple la lettre du 1er septembre 1833 qu'elle adressa à son frère cadet. Au programme, quelques bulletins médicaux, une affaire de mœurs légères, et du croustillant sur l'ancien flirt de Darwin. Passons nous aussi en mode potins !


The Mount, demeure des Darwin à Shrewsbury (photo Wikimedia)


Que peut bien raconter Caroline en cette fin d'été 1833 ? Tout d'abord que leur père se porte à merveille ! Ce qui constitue en soit une excellente entrée en matière à l'attention de son frère alors aux confins du Nouveau Monde. S'en vient ensuite le tour de la famille proche. La pauvre tante Bessy a été très dangereusement malade. Leur sœur aînée Marianne leur rendra bientôt visite. Érasme, leur frère, est de bonne composition en ce moment et égaie Shrewsbury. Leur sœur Susan a pu rendre visite à leur consin William Fox. Le jeune homme était étudiant au Christ College de Cambridge avec Charles, et ils partageaient une vive passion commune pour le naturalisme. Mais en ce début septembre, le pauvre garçon est souffrant. Malgré la maladie, il n'a cependant de cesse de s'enthousiasmer pour le voyage de son cousin et ami ! La petite famille Darwin a passé dix jours cet été dans la demeure des Fox. Leur cousine Emma a littéralement charmé Caroline lors de ce séjour à Osmaston ! « Elle m'a beaucoup charmé. C'est délicieux, je crois, de voir une personne si agréable par la bonté et la religion agir sur chaque sentiment comme elle le fait chez elle ». A l'inverse de l'aînée Eliza, « la plus ennuyeuse que j'aie jamais vue ».

Pendant que Darwin explore la pampa argentine, il s'en passe du joli à Shrewsbury ! Et les racontars à venir auraient certainement inspiré la plume de Jane Austen. M. George Maddocks fait du vilain dans le voisinage. L'homme semble de nature colérique, puisqu'il a poignardé deux chevaux « après les avoir conduits sur 60 miles parce qu'ils ne pouvaient pas aller plus loin ». Mais ce n'est pas tout ! M. Maddocks a épousé sa servante, ce qui n'a nullement calmé le démon de midi qui semble l'animer. Il est devenu volage, à tel point qu'il a été mis en détention pendant une semaine. Nous n'en saurons pas plus dans la correspondance de Darwin au sujet de ce voisin licencieux. Mais nul doute que ce gentleman perdit rapidement toute considération morale dans la bonne société de Shrewsbury !

Caroline garde, pour ainsi dire, le meilleur pour la fin. Alors étudiant, son frère Charles avait un flirt avec Fanny Owen. La jeune femme ne supporta guère son départ à bord du HMS Beagle, et épousa M. Biddulph quelques semaines plus tard. Les relations entre les Darwin et les Biddulph ne sont pas pour autant rompues (Charles et Fanny n'étaient en rien engagés), et le jeune couple a rendu une petite visite deux jours durant à Shrewsbury. Caroline l'a trouvée malade, bien surmenée depuis son accouchement. Son époux paraît heureux et très amoureux de sa jeune épouse. L'inverse est-il cependant vrai ? Fanny semble peut séduite par son nouveau foyer. Encore plus croustillant, Emily (Catherine), leur sœur cadette, rapporte à Caroline que Fanny Biddulph a demandé des nouvelles de Charles d'un ton si gentil et avec une telle coquetterie que les deux sœurs Darwin ne peuvent s'empêcher de s'interroger. La jeune femme regrette-t-elle son mariage récent ? Voilà des pensées bien immorales !

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