[1834] Excursion géologique jusqu'au pied des Andes (4/4)

Le 13 septembre 1834, la pluie diluvienne cesse enfin. Darwin et son guide peuvent enfin quitter les Thermes de Cauquenes. Les maigres provisions des Thermes (l'hôtel n'était visiblement pas encore un établissement de luxe!) venant à manquer, c'est avec soulagement que Darwin et son guide reprennent la route ! Une fois sur la route principale, ils dorment dans le village de Rio Claro. Le 14 septembre, ils se rendent dans la ville de San Fernando. Les deux cavaliers débouchent alors dans une vaste plaine. Continuant leur chemin, ils sont hébergés par un américain, M. Nixon, propriétaire des mines d'or de Yaquil.

En arrivant à la mine, Darwin est frappé par le mauvais état de santé de nombreux de mineurs. Descendant jusqu'à 137 mètres de profondeur, ils doivent remonter sur leur dos plus de cinquante kilogrammes pierres ! Les normes de sécurité sont bien entendu dérisoires ; pour remonter les galeries, ils empruntent des troncs d'arbres placés en oblique dans lesquels des marches ont été taillées. Leurs maigres repas ne consistent qu'en une portion de pain et de haricots. Chaque mois, ils touchent 25 à 30 shillings. Comme à Jajuel, ils ne quittent leur mine qu'une fois toutes les deux à trois semaines pour retrouver pendant deux jours leurs foyers. Pourtant, malgré ces conditions déplorables, ces travailleurs s'estiment chanceux. Et pour cause ! La situation des ouvriers agricoles est encore plus catastrophique en comparaison ! Le système paysan chilien « quasi féodal » selon Darwin explique ainsi pourquoi, malgré une production agricole fertile, les campagnes demeurent terriblement pauvres.

La terre n'appartient pas au peuple travailleur, et l'or encore moins. Aussi les mineurs tentent régulièrement de voler des minerais aurifères. Si une pépite est découverte sur un ouvrier, alors le gérant de la mine retient la totalité de sa valeur sur les gages de tous les employés. Le système rend chaque homme suspicieux, il devient inutile d'employer des gardiens. Comme à Jajuel, le minerai n'est pas traité sur place. On l'exporte à dos de mulet jusqu'à la Mouline (broyeur de minerai) qui le transforme en poudre. Ainsi, par procédé de lavage et d'amalgamation, on sépare et précipite la poussière d'or. Quelques ouvriers demandent l'autorisation de balayer le sol de la Mouline ; ils récupèrent ainsi péniblement une poussière qui une fois lavée, leur assure un revenu de 30 dollars.

Il ne fait pas bon être un savant dans cette région ! Chez M. Nixon, réside un collectionneur allemand, Renous. Il y a quelques années, notre homme confia à une jeune fille des chenilles, afin qu'elle en prenne soin jusqu'à leur métamorphose en papillons. Cela fit jaser le voisinage. Et finalement, les prêtres et le Gouverneur le firent arrêter pour hérésie ! Lors d'un repas chez son hôte américain, est présent à la table un vieil homme de loi espagnol. Le señor est dubitatif quant aux occupations naturalistes de Darwin. Collecter des lézards, des scarabées et des rochers pour le Roi d'Angleterre ? « Personne n'est assez riche pour envoyer des gens ramasser des choses sans valeur » s'étonne-t-il. Autant dire que Darwin ne fait guère d'émules !

Le 19 septembre, Darwin et son guide quittent Yaquil pour la vallée du Rio Tinderidica. Ils se rapprochent de Valparaiso, mais notre jeune naturaliste est souffrant. Le 21 septembre, il ne peut tout au plus que se promener à cheval dans les alentours. Et au 22 septembre, il se remet suffisamment pour continuer jusqu'au village de Navidad. Darwin y séjourne toute la journée du 23 septembre. Tout en étant souffrant, il parvient cependant à récolter quelques fossiles marins du Cénozoïque. Le soir, extrêmement fatigué, il s'écroule dans un rudimentaire lit de paille. Mais que luxe relatif, dans ce village perdu du Chili, que de dormir sur de la paille propre ! Le 25 septembre, suffisamment remis, il réussit à atteindre Casa Blanca. Son état de santé ne s'améliorant pas, il envoie chercher une voiture à Valparaiso qui le ramène chez M. Corfield le 27 septembre. « J'y gardai le lit jusqu'à la fin octobre. Ce fut une sérieuse perte de temps car j'avais espéré collecter de nombreux animaux. Très obligeamment, le Capitaine FitzRoy retarda le départ du Navire jusqu'au 10 novembre, date à laquelle je fus tout à fait rétabli » Charles Darwin, Journal de Bord. Il s'agit vraisemblablement de la première crise majeure de la maladie qui l'affecta tout au long de sa vie.




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