Robert FitzRoy : météorologue et fin de vie

Nous avons déjà vu à plusieurs reprises que le Capitaine FitzRoy était un scientifique, cartographe et météorologue. Il contribua notamment à la mise en place de l'échelle de Beaufort et s'engagea dans la prédiction de tempêtes en mer. Durant les dernières années de sa vie, la prédiction météorologique maritime devint un enjeu crucial pour cet humaniste. En 1854, sur les recommandation du Président de la Royal Society, FitzRoy fut nommé à la tête d'un nouveau département chargé de recueillir des données météorologiques maritimes. Son titre était celui de statisticien météorologique, et il disposait d'une équipe de trois scientifiques. C'était le précurseur de l'office britannique actuelle de météorologie. Il fit en sorte que les capitaines de navires fournissent des informations, des instruments scientifiques leur étant prêtés à cet effet, afin d'exploiter statistiquement les données recueillies.

Toujours féru d'instruments météorologiques, FitzRoy fit distribuer aussi bien des verres à tempête (baromètres de FitzRoy) que des baromètres à mercure. Il les fit installer dans les ports et pêcheries, afin que le public puisse facilement déduire de leur observation les variations météorologiques à venir. La démarche devint rapidement populaire, et plus d'un instrument de ce type est encore aujourd'hui précieusement conservé en bord de mer !

En 1859, alors que Robert FitzRoy est depuis cinq années le premier directeur du service météorologique britannique, de puissantes tempêtes côtières balayent les îles britanniques. Le naufrage tragique du clipper à vapeur Royal Charter et la mort de ses 450 passagers marquent profondément l'opinion public. En réponse à ce sinistre, la Royal Navy accentue la distribution d'instruments météorologiques révisés par FitzRoy. Des verres à tempête, les fameux « baromètres de tempête de FitzRoy », sont confiés à de nombreuses petites communautés de pêcheurs autour des îles britanniques. Leurs prévisions demeurent peu fiables, mais améliorent tout de même sensiblement la sécurité des marins. Nous sommes à l'aube du bulletin météorologique maritime !

Robert FitzRoy ne s'arrête pas là. Il fit relier quinze stations météorologiques par le télégraphe afin de lui transmettre des rapports météorologiques quotidiens à des heures fixes. En 1860, FitzRoy introduisit un système d'avertissements visuels de tempête dans les principaux ports et obtient que les flottes restent à quai lors de ces mauvaises conditions. En 1861, la première prévision météorologique quotidienne paraît dans le Times ! Il fit publier en 1863 le Weather Book, son ouvrage de météorologie jugé comme un des plus innovants pour son époque ! Sa notoriété est telle que la Reine Victoria le consulta personnellement alors qu'elle prévoyait une traversée jusqu'à l'île de Wight. Rien ne semble stopper le succès de l'ancien officier de la Royal Navy, désormais vice-amiral sur la liste de réserve. Mais il provoque également la colère des armateurs, qui font lever les mesures de FitzRoy. C'était sans compter sur la pression des pêcheurs eux-mêmes, qui dans une nation pourtant peu sociale, obtiennent en 1874 le rétablissement de la signalisation météorologique de FitzRoy !

La carrière scientifique de FitzRoy semble alors triomphante; il fait autorité dans son domaine. Il démystifie même la pseudo-science astrologique des prévisions lunaires du lieutenant Stephen Martin Saxby. Mais sa foi orthodoxe l'oppose violemment à son ancien compagnon et ami, Charles Darwin, lorsque ce dernier publie l'Origine des Espèces (1859). Présent à Oxford lors du célèbre débat entre Huxley et Wilberforce du 30 juin 1860, il monte à la tribune en agitant un exemplaire de la Bible, exhortant l'auditoire de croire en Dieu plutôt qu'en l'homme. Il aurait même crié par-dessus le vacarme que ce sont les Écritures, et non « le serpent [qu'il avait] hébergé sur son bateau, qui forme l'autorité véritable et intouchable ! ». Les soutiens de Darwin le firent taire. FitzRoy qui venait alors présenter un article sur les tempêtes auprès de l' Association britannique pour l'avancement des sciences, en fut certainement courroucé !

Entre Darwin et FitzRoy, ne reste alors plus aucune amitié, règne désormais une opposition scientifique et religieuse. Pourtant, Darwin garda une sincère affection pour l'ancien capitaine du HMS Beagle, Il note dans son Autobiographie que FitzRoy, généreux au possible, s'en appauvrit à la fin de sa vie. C'est hélas vrai. L'amiral FitzRoy sut brillamment s'élever dans la société britannique, sans jamais renier les valeurs humanistes chères à son cœur. Promu contre-amiral sur la liste de réserve en 1857, il devint vice-amiral de la réserve en 1863. Hélas, des tensions au sein du bureau météorologique et une mauvaise gestion de sa fortune personnelle le placèrent dans une inconfortable déroute. Sa nature dépressive prit le dessus, et Robert FitzRoy se suicida en se tranchant la gorge avec son rasoir le 30 avril 1865. Lui qui redouta toute sa vie de connaître le même sort funeste que son oncle, le Vicomte Castlereagh, succomba aux mêmes affres.

« A maints égards, c'était l'un des caractères les plus nobles que j'aie jamais connus, bien qu'il fut terni par de graves défauts ». L'épitaphe de Charles Darwin dans son Autobiographie démonte toute l'admiration nuancée de Charles pour son Capitaine, au-delà des querelles idéologiques qui déchirèrent leur amitié.

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