Spencer et l'évolutionnisme philosophique - Patrick Tort
Sauf que Spencer, ingénieur civil de formation, autodidacte et intellectuel "touche à tout", ne cherche pas à suivre la réflexion darwinienne. Fort de son éthique libérale, il rejette toute forme de compensation sociétale des individus les plus "faibles" ou "moins méritants". Son idée centrale d'une société organique similaire au fonctionnement d'un organisme vivant, n'accepte que la division des tâche dès lors que son modèle se complexifie, et ne saurait souffrir de "la perpétuation des plus incapables".
En bon lamarckien, Spencer imagine une transformation constante de la société organisme face aux perturbations qu'elle rencontre, mais se refuse à toute charité envers ses maillons les moins adaptées. Spencer croit discerner la justification biologique et éthologique de ses propres arguments dans l'œuvre de Darwin. Mais il oublie que "L'Origine des Espèces" ne traite nullement de l'évolution humaine, et encore moins sociétale. Pire encore, l'effet réversif de la sélection naturelle appliquée au genre humain, cœur de pensée développé par Darwin dans la "Filiation de l'Homme", contredit littéralement les positions morales de Spencer !
Lire "Spencer et l'évolutionnisme philosophique" de Patrick Tort confirme donc, s'il le fallait encore, qu'il n'y a aucune analogie entre la pensée de Charles Darwin et celle de Herbert Spencer. Le "darwinisme social" d'Emile Gautier est plus que jamais une grossière preuve d'ignorance, une belle ineptie. Mais cette confusion a la vie dure. Forts de ces raccourcis, certains intellectuels comme André Pichot n'hésitèrent pas à relier Darwin aux thèses fascistes du XXème siècle. Nous ne pouvons que le déplorer ; les accusations à tort d'eugénisme et d'ultra-libéralisme portées contre Darwin en France dès la fin du XIXème siècle ralentirent la diffusion de ses découvertes scientifiques.

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