Robert FitzRoy : de l'enfance au premières années en mer
Robert FitzRoy naît le 5 juillet 1805 dans le village d'Ampton, Suffolk. Issu d'une famille aristocratique, il est le fils du général Lord Charles FitzRoy qui servit dans les Flandres, aide de camp du roi Georges III et membre du Parlement. Sa mère, Frances Anne Stewart, était une aristocrate irlandaise, fille de Robert Stewart, premier marquis de Londonderry. Son grand-père paternel était le 3ème Duc de Grafton, Augustus FitzRoy. Par cette branche, Robert descend du roi Charles II d'Angleterre (Stuart) et de son union illégitime avec la sulfureuse Barbara Palmer. FitzRoy signifie d'ailleurs en normand « Fils Naturel du Roi » ; mais le patronyme se voulait autrefois péjoratif afin de désigner les bâtards de sang royal.
Néanmoins, cette ascendance illégitime était vécue par les FitzRoy comme une souillure libertine, qu'une rigueur morale avait à cœur de laver. Si les Darwin avaient coutume de se consacrer à la médecine, les FitzRoy devaient servir l'Angleterre. Alors que Charles rompit la tradition familiale en devenant ce célèbre scientifique naturaliste, le jeune Robert se plia avec force à la règle familiale. Robert avait également pour modèle l'exemple fraternel, de sept ans son aîné, que leur père destinait à la carrière militaire. Robert a 9 ans lorsque son frère aîné, Sir Charles Augustus FitzRoy, est blessé à la bataille de Waterloo. Promu Lieutenant-Colonel et nommé vice-adjudant-général de la colonie du Cap en 1825, il hérita du lignage aristocrate à la mort de leur père en 1829, puis fut élu député britannique en 1831 avant d'entamer une brillante carrière de Gouverneur des provinces outre-mer britanniques, il est certain que ce brillant modèle fraternel renforça la détermination de Robert.
Son enfance fut marquée, tout comme celle de Darwin, par la perte tragique de sa mère. Cependant Robert n'avait que peu de souvenirs maternels, puisque Frances décéda le 9 février 2010, alors qu'il n'avait que 4 ans. Le jeune Robert était élevé depuis l'année précédente à Wakefield Lodge (Northamptonshire) dans la demeure familiale des Grafton. En 1811, il fréquente l'école de Rottingdean, village côtier du Sussex, et rentre en 1817 à la Harrow School, célèbre école de l'élite anglaise dans laquelle il ne resta qu'un an. En février 1818, Robert entre au Royal Naval College de Portsmouth, centre de formation des officiers de la Marine. Il est alors âgé de 12 ans. A 14 ans, il s'embarque pour sa première expédition autour des côtes d'Amérique du Sud (1819 - 1822) à bord de la frégate de classe Apollo de 36 canons HMS Owen Glendower. Son Capitaine, Robert Cavendish Spencer, doit faire face à de nombreuses difficultés durant le voyage : réparations de fortune, maladies, désertions de marins ! Un premier périple formateur pour le jeune FitzRoy qui se familiarise avec la plupart des escales d'Amérique méridionale tout en découvrant les difficultés de tenir un équipage de navire. Deux compétences qui lui seront précieuses par la suite.
Le HMS Owen Glendower à Copenhague en 1822, peinture de Christoffer Wilhelm Eckersberg |
Le Capitaine Spencer le nomme Aspirant en 1821. Il poursuit sa formation d'officier à bord du HMS Hind à partir de 1822, et passe avec succès son examen de Lieutenant en 1824. Il finit premier sur 26 candidats avec le score maximal, remportant la médaille de son collège et un prix de mathématiques ! Le jeune Robert entend bien faire une entrée fracassante dans la Royal Navy et briller aussi fort qu'il le peut face au prestige son frère aîné, cet héros de Waterloo ! Lieutenant à bord du HMS Thetis à partir de septembre 1824, il est ensuite affecté en 1828 comme officier du pavillon du commandant en chef des forces navales anglaises stationnées en Amérique du Sud (Rio de Janeiro), sous les ordres du contre-amiral Sir Robert Waller Otway. FitzRoy n'était donc pas à bord du HMS Thetis lorsque la frégate sombra au large du Cabo Frio, en 1830. Mais il eut à cœur bien des années plus tard de laver l'honneur du Capitaine Burgess, dont la réputation avait été salie par le scandale de ce naufrage.
Au cours de l'année 1822, FizRoy apprend que son oncle, le Vicomte Castlereagh, s'est donné la mort alors qu'il souffrait de dépression chronique. Le pauvre homme se trancha la gorge avec son rasoir. La nouvelle fit grand bruit, au scandale du suicide se rajoutant l’opprobre jeté sur sa fonction de secrétaire tory aux Affaires étrangères. Le 13 novembre 1828, Otway affecte le jeune Robert au commandement du HMS Beagle . Le navire fait alors partie de la campagne de relevés hydrographiques dirigée par le Capitaine Phillip P. King depuis le HMS Aid. Le Capitaine du Beagle, Pringle Stokes, vient de se donner la mort à Port Famine, Patagonie. Son agonie a duré plus de dix jours après qu'il ait attenté à sa vie avec son arme à feu personnelle. L'épisode est particulièrement douloureux pour la Royal Navy, et lorsque FitzRoy prend son commandement le 15 décembre à Rio de Janeiro, le spectre du Capitaine hante les esprits de l'équipage. La superstition des marins est telle qu'il autorise une perquisition rituelle pour chasser son fantôme ! Bien entendu, l'équipage interprète la moindre avarie comme l'acte de l'esprit vengeur du Capitaine Stoke. En janvier 1829, dans le Rio de la Plata, le Beagle est en difficulté. deux hommes passent par-dessus bord. Les mâts et gréements sont endommagés. Seule une manœuvre rapide ordonnée par FitzRoy sauve in extremis le navire. Mais le jeune commandant de 23 ans doit aussi faire face à un équipage en proie au désespoir. Soutenu par le Lieutenant Skyring qui avait assuré l’intérim, il fait preuve d'ingéniosité et d'une poigne de fer. De retour en avril 1829 à Port Famine en Patagonie, le HMS Beagle poursuit sa mission avec succès. Aucune avarie, pas même la nouvelle fracassante du décès de son père, ne vient entamer la résolution du jeune Capitaine. Mais dans son cœur, Robert doute. Il craint que le même mal que son oncle ne l'affecte, et redoute de finir à l'avenir comme son malheureux prédécesseur aux commandes du Beagle.
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Déjà, le caractère ombrageux du Capitaine FitzRoy s'affirme. Un événement en Terre de Feu va particulièrement marquer le premier Voyage du Beagle. Le Capitaine FitzRoy a reçu l'ordre de poursuivre les travaux de cartographie le long de ces côtes sauvages. En février 1830, quelques hommes d'équipage débarquent sur une plage désolée de Christmas Sounds. Des Fuegiens s'emparent de l'embarcation. FitzRoy donne la chasse aux amérindiens, mais la poursuite est infructueuse. Robert ne veut pas en rester là et organise des représailles. Après une brève échauffourée, il retient captifs trois jeunes hommes et une jeune fille. Le Capitaine prévoit d'éduquer à ses frais ces Fuégiens une fois de retour en Angleterre en leur apprenant l'anglais, le christianisme, un peu de techniques et de bonnes manières. Tous ces efforts afin d'en faire des êtres à la morale « civilisée » qui, une fois de retour en Terre de Feu, seront d'excellents missionnaires auprès des leurs.
L'équipage donne des noms aux captifs : Fuegia Basket pour la fille, Jemmy Button (que le Capitaine troque à l'un de ses oncles en échange de quelques boutons de vêtement ...), York Minster et Boat Memory pour les garçons. Ce dernier meurt de la variole à son arrivée en Angleterre. L'éducation des trois jeunes survivants portera ses fruits, et le missionnaire Richard Matthews présentera les progrès de ces "sauvages" devant la Cour durant l'été 1831. Mais revenons à la première expédition du Beagle. Le 16 avril, le navire laisse un mémorial au Cap Horn. Le 2 août, escale à Rio de Janeiro. Enfin le 14 octobre 1830, retour à Plymouth. Le Beagle est désarmé. FitzRoy entame une courte carrière politique. Candidat tory pour le district d'Ipswich, il est battu en mai 1831. Il n'a cependant pas oublié son projet de ramener les trois Fuégiens en Terre de Feu pour y fonder une mission chrétienne.
Cependant, il ne trouve guère de navire en partance pour la Terre de Feu. Germe alors dans son esprit l'idée de monter sa propre expédition vers ces terres australes. Il requiert de l'Amirauté l'autorisation de prendre un congé pour affréter, sur ses propres fonds, un navire à même de tenter l'aventure. Il recrute le missionnaire Richard Matthews pour fonder l'établissement chrétien sur place. L'affaire semble malheureusement tourner à son désavantage, lorsque son oncle George FitzRoy, 4ème Duc de Grafton, et son ami Francis Beaufort, hydrographe de l' Amirauté britannique en charge des expéditions d'exploration, intercèdent en sa faveur. Le 25 juin 1831, le Lieutenant FitzRoy est reconduit Capitaine du HMS Beagle. Il ne sera nommé officiellement Capitaine de la Royal Navy qu'au cours du Voyage, le 3 décembre 1834 ! L'expédition ne se limitera pas à l'établissement d'une Mission en Terre de Feu. FitzRoy devra également mener à bien un travail cartographique en Amérique du Sud. Mais en retour, Robert doit aussi participer sur ses propres deniers à l'armement du navire. FitzRoy ne regarde pas à la dépense pour améliorer le HMS Beagle. Les travaux de rénovation du navire s'éternisent au cours de l'été et de l'automne 1831. Redoutant que la solitude ne le mène à la dépression comme feu son oncle, il souhaite s'entourer de compagnons de voyage. Il s'arrange pour que deux de ses amis marins, Wickham et Sulivan, servent à ses côtés en tant que Lieutenants. Enfin, il souhaite embarquer des passagers à bord susceptibles de lui tenir compagnie ; un artiste-peintre et un naturaliste. La seconde offre, relayée par l’ecclésiastique et mathématicien George Peacock, va fortement intéresser le Pr. Henslow, botaniste et géologique à l'Université de Cambridge. S'il ne peut partir lui-même à l'aventure, l'offre devrait intéresser un de ses protégés...
Le 27 décembre 1831 alors que le HMS Beagle quitte Devonport, FitzRoy entame une expédition de cinq années qui lui conférera à son retour un grand prestige scientifique et une réputation de marin chevronné. Mais à son grand regret, sa gloire sera éclipsée par celle du jeune homme qui embarqua au final à ses côtés en tant que gentleman-naturaliste, Charles Darwin.
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