[1832] Une chasse au Capybara

Désormais que la situation politique s'est pacifiée à Montevideo, Darwin peut entreprendre librement ses randonnées naturalistes dans la campagne environnante. Retournant au Cerro de Montevideo, il entreprend de tirer un Capybara. Ces gros Rongeurs de l'ordre des Rodentia sont des Mammifères semi-aquatiques qui vivent uniquement en Amérique du Sud. Nous laisserons de côté les individus importés au Japon comme animaux d'agrément. Considéré dès les premiers colons espagnols et portugais comme une très bonne source de viande, le Capybara est couramment chassé et sa domestication a même permis le développement de quelques élevages modernes.


Capybara, gravure anonyme de 1880.


Quant à Darwin, il a bien du mal à abattre sa proie ! « Après une longue poursuite animée dans une petite baie, je réussis à lui tirer une balle dans la tête ». Charles Darwin, Journal de Bord. Sa prise est une femelle de 45 kg, mesurant 57 cm au garrot. C'est un spécimen fort respectable, puisque le Capybara mesure 60 cm au garrot pour 50 kg. Après avoir collecté quelques Lézards, Serpents et Coléoptères (Darwin ne précise pas s'il cherche à nouveau son Lézard apode), puis observé attentivement quelques Scorpions, Darwin rentre à bord.

Aucun spécimen de Capybara n'a été rapporté du voyage du HMS Beagle. Néanmoins, Darwin a réalisé une dissection de sa prise de chasse qui lui laissa un désagréable souvenir : « Je trouvai dans l’estomac et dans le duodénum d’un Capybara que j’ouvris une très-grande quantité d’un liquide jaunâtre, dans lequel on pouvait à peine distinguer une seule fibre. M. Owen m’apprend qu’une partie de leur œsophage est construite de telle sorte, que rien de plus gros qu’une plume de corbeau ne pourrait y passer. Les larges dents, les fortes mâchoires de cet animal sont certainement fort propres à réduire en bouillie les plantes aquatiques dont il se nourrit » Charles Darwin, Voyage d'un Naturaliste autour du Monde.


Appareil digestif du Capybara (Moreira et al. 2013)


Le Capybara est un rongeur herbivore, mais aussi un coprophage dont le cæcum surdéveloppé sert de fermenteur. D'une certaine manière, sa physiologie digestive ressemble à celle des Ruminants, mais en circuit ouvert. Pour dresser un rapide tableau de son régime alimentaire, le Capybara mange ses crottes le matin, se nourrit de Végétaux en journée et défèque le soir (Borges et al., 1996). En réalité, il va surtout mélanger dans son cæcum les fragments végétaux avec des microbiotes fermenteurs. Ces micro-organismes vont se charger de dégrader les fibres végétales dans ses excréments. Tandis que son appareil digestif est capable d'effectuer une rétention sélective des micro-organismes et de produire deux types de fèces : un qui sera ingéré, et l'autre non. Le Capybara fait donc sa récolte matinale selon le type de fumier produit les soirs précédents.

D'après les descriptions de Darwin, la femelle Capybara n'avait alors procédé qu'à sa coprophagie matinale. Sa dissection du duodénum laisse perplexe. Le Capybara possède un long et fin intestin grêle ; mais le plus intéressant demeure son gigantesque cæcum, organe disproportionné situé avant le gros intestin. Peut-être confond-il involontairement les deux termes ? Ou sinon, pourquoi avoir laissé de côté l'imposant cæcum ? Au vu de la précédente citation, il semblerait que la physiologie digestive du Capybara n'était tout simplement pas comprise au début du XIXème siècle. Ce qui explique les interrogations et erreurs anatomiques de Darwin. A ce propos, comment fait le Capybara pour choisir ses crottes les plus appétissantes ? Peut-être à l'odeur. « Le fumier, quand il est séché et brûlé, sent comme le bois de cèdre, mais plus agréable » Charles Darwin, Notes Zoologiques. Bon appétit si vous êtes à table.

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