[1833] Les Poissons du Rio Paraná

De sa croisière le long du Rio Paraná, Darwin rapporte cinq spécimens de poissons qu'il a pêché non loin de Rosario et conservé dans l'alcool. Notre jeune naturaliste, bien que n'étant pas expert en ichtyologie, suppose dans ses Notes Zoologiques que ces poissons tropicaux appartiennent à la famille des Salmonidés. Son ami et éminent ichtyologue Leonard Jenyns confirma son hypothèse lors de l'examen des spécimens.

Exaltante époque pour les naturalistes que ce début du XIXème siècle, durant lequel quasiment n'importe quel Vertébré observé dans le Nouveau Monde pouvait se révéler une nouvelle espèce ! Ce qui s'avère être le cas, puisque la pêche scientifique de Darwin permit à Jenyns de nommer deux nouvelles espèces dans les livrets de la Zoologie du Voyage du HMS Beagle. Il s'agit de poissons appartenant au genre Tetragonopterus sp. qui Jenyns classait donc parmi les Salmonidés. Plus tardivement, ce genre a été déplacé dans une autre famille de poissons des eaux douces tropicales, Characidés. Enfin, les puristes en matière de phylogénie me reprocheront certainement l'emploi du terme de « poisson », groupe polyphylétique dont l'usage contredit la biologie. Mais laissons-là ces précisions académiques et revenons aux espèces décrites par Jenyns.

- Pour la première espèce, Jenyns propose Tetragonopterus rutilus et cite la description qu'en fit Darwin dans ses Notes Zoologiques : « Back iridescent greenish brown: a silver band on the side. Fins dirty orange: tail with a central black band; above and below the band bright red and orange ».

- Concernant la seconde espèce, il s'agit de Tetragonopterus abramis que Darwin décrivit également sous ces termes : « Back bluish silvery, with a silver band on the side: a bluish black spot behind the gills. Fins pale orange; tail with a black central band ».

Ces poissons furent tous collectés dans le Rio Paraná en octobre 1833, comme nous l'avons précisé en début d'article. Mais ce ne sont pas les seuls spécimens de Tetragonopterus sp. que Darwin ramena de son voyage. En juin 1832 alors qu'il se trouvait à Rio de Janeiro, il collecta également deux autres espèces que Jenyns décrivit aussi dans la Zoologie du Voyage du HMS Beagle : Tetragonopterus scabripinnis et Tetragonopterus taeniatus. Enfin lors de ses séjours à Maldonado, Darwin prit le temps de collecter un autre spécimen que Jenyns décrivit cette fois-ci sous le nom de Tetragonopterus interruptus.

De nos jours, les Tetragonopterus de Darwin font encore parler d'eux. Le spécimen conservé dans l'alcool de Tetragonopterus taeniatus, désormais renommé Astyanax taeniatus, a fait l'objet de travaux d'analyse moléculaire par Silva et al. (2019). Leurs prélèvements génétiques réalisés sur ce spécimen historique et chez des individus sur le terrain leur ont permis, par comparaison moléculaire, de retrouver la population d'origine encore préservée de nos jours. C'est ainsi que les biologistes situent la pêche de ce spécimen à Conceição de Macabú, le long du désormais touristique "Caminhos de Darwin" qui vous permet de parcourir une portion de la route terrestre que le jeune naturaliste parcourut au Brésil. Vous savez désormais comment occuper vos prochaines vacances.


Planche de différents spécimens de Tetragonopterus sp. collectés par Darwin, publiée dans la Zoologie du Voyage du HMS Beagle, vol. IV.


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