[1832] Un Noël en Patagonie
Le 21 décembre 1832, le HMS Beagle quitte la baie de Bon-Succès avec le projet de doubler le Cap Horn. C'est chose faite au 22 décembre 1832, et la mer de détroit particulièrement calme a de quoi surprendre même les marins les plus accomplis ! Sauf que le Passage de Drake ne se laisse pas vaincre aussi facilement. Un vent violent accompagné de forts grains s'abat sur le Beagle alors qu'il double l'archipel des îles L'Hermite (Islas Hermitas).
Paysage des Islas Hermitas - wikipedia |
Le Capitaine FitzRoy se réfugie en haute mer, sans grand succès. Il décide de se réfugier à l'île L'Hermite, dans l'archipel du même nom. L'endroit est indiqué par l'imposante masse du Pic Kater. Passé le Cap Spencer à la pointe Sud de l'île, le Beagle longe l'île direction Nord-Est jusqu'à l'anse Wigwam. Un lieu de mouillage situé au Sud de la Caleta Saint Martin, côte orientale de l'île, d'après les Narratives de FitzRoy. C'est là que l'équipage va passer Noël.
Trajet du HMS Beagle du 21 au 24 décembre 1832 (QGIS / OpenStreetMap). |
Carte des Islas Hermitas avec les principaux lieux cités dans ce billet. |
Le 25 décembre 1832, « comme c'est Noël aujourd'hui, tout service est suspendu, ce que les marins attendent avec impatience » Charles Darwin, Journal de Bord. Souvenez-vous que voici un an, FitzRoy avait dû repousser le départ de Plymouth au 27 décembre car les marins étaient ivres en cette journée de Noël ! Mais il n'y a pas de tavernes sur l'île de L'Hermite, aucun danger de ce côté-là. Ce jour de relâche sera placé sous le signe des festivités, non sans une retenue digne d'un navire de la Royal Navy.
Darwin en profite pour partir randonner et escalader la plus proche colline. Le lieutenant Sulivan et le lieutenant Hamond l'accompagnent. Présentons rapidement ce second officier. Robert Nicholas Hamond était lieutenant du HMS Druid. Son nom n'apparaît pas dans le registre d'équipage car il fut "prêté" au HMS Beagle de novembre 1832 à mai 1833, date à laquelle il retourna en Angleterre. Dans une lettre adressée à sa sœur Caroline Darwin, Charles explique que lui, Sulivan et Hamond ont pris l'habitude d'explorer ensemble le rivage lorsque le service leur en laisse l'opportunité. Hamond accompagne d'ailleurs Darwin et Sulivan lors de leur prise de contact avec les Fuégiens, le 18 décembre 1832, sur le rivage de la baie de Bon-Succès. « Quel dommage de laisser de si bons gars dans un état aussi barbare ! » s'exclama-t-il à son retour à bord. FitzRoy, Narratives.
Mais revenons à cette journée du 25 décembre. Darwin Hamond et Sulivan décident d'escalader le pic Kater (518 m). « Du sommet, nous obtenons une bonne impression de la géographie des îles environnantes et du continent dans le lointain » Charles Darwin, Journal de Bord. En redescendant, ils explorent des grottes et s'amusent à pousser des cris pour tester l'écho. Puis ils tirent quelques oiseaux sauvages et Darwin s'échine à fracasser la roche avec son marteau de géologue. Dans ses Notes géologiques, Darwin associe les reliefs des îles L'Hermite au « prolongement de la chaîne de la côte sud-ouest ». Les roches qu'il récolte au pic Kater sont de nature magmatique ; « la roche est généralement une simple pierre verte, un mélange de feldspath et de hornblende » que Darwin associe à de la phonolite.
Le Noël du capitaine FitzRoy est bien plus studieux. Les cartes de l'Amirauté de 1818 s'avèrent erronées ! Le Cap Horn est confondu avec le Cap Spencer. Une regrettable erreur, mais sans conséquence sur la navigation du HMS Beagle. Et après tout, le brick-sloop n'est-il pas sur place afin de les corriger ?
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