[1835] L'Adieu à Chiloé
Une fois n'est pas coutume, commençons par les sciences sociales. La grande île de Chiloé, ancienne possession espagnole, est devenue une province de la jeune nation chilienne. Le pays n'en demeure pas moins très pauvre, et encore marqué par les déportations massives d'Amérindiens des archipels méridionaux par les colons européens. Lors de son excursion en canot le long de la côte orientale de la grande île, Darwin eut occasion de découvrir la pluralité des habitants insulaires, leur pauvreté mais aussi leur ruralité des plus rustiques. Le Gouverneur ne vit pas mieux qu'un pauvre paysan, les routes sont médiocres, et le commerce se concentre avant tout sur le troc. Les gravures de Conrad Martens sont un témoignage supplémentaire de cette immense pauvreté (voir ci-contre une rue de San Carlos, gravure ajoutée aux Narratives des expéditions du HMS Beagle). Darwin, aguerri par ses précédents contacts avec des peuplades d'Indiens de Patagonie et de Terre de Feu, aborde une approche bien plus ethnologique, réalisant des sortes d'interviews d'autochtones. Il en tire des informations précieuses, mais dont il ne tira en somme que peu de conclusions notoires.
Ces lacunes dans son étude de Chiloé tiennent tout simplement du fait que les sciences naturelles retiennent largement plus son attention. Contrairement à une idée tenace, Darwin ne développa pas sa théorie de l'évolution des espèces par sélection naturelle au cours de son Voyage autour du Monde. Il accumula, certes, quantité de données naturalistes qui l'aidèrent des années plus tard dans son argumentation, mais la majorité de son activité fut avant tout dédiée à la géologie. Son hypothèse était alors d'interpréter les événements géologiques d'Amérique du Sud selon les récentes théories gradualistes de Lyell. Et la géologie de la grande île de Chiloé lui apporta de nombreux éléments en faveur d'une élévation progressive du socle continental d'Amérique méridionale.
Enfin, Chiloé livra sa moisson de spécimens zoologiques et botaniques. Darwin y récolte des Cirripèdes, petits Crustacés qui accapareront son attention lors de travaux scientifiques ultérieurs. Il note également l'ornithologie de l’île, tue un Renard dont l'espèce porte désormais son nom, pêche une méduse qui deviendra des décennies plus tard envahissante en Angleterre, et enfin étoffe sa collection d'un curieux scarabée qui lui servira d'exemple bien plus tard pour appuyer sa théorie de la sélection sexuelle. En somme, Chiloé fut une étape particulièrement prolifique de son Voyage à bord du Beagle !
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