[1834] Coup fatal sur un Renard !

Le 6 décembre 1834, le périple de Darwin et d'une partie de l'équipage du HMS Beagle à bord de canots s'achève. Les relevés cartographiques le long de la côte orientale de Chiloé sont maintenant corrigés, et il ne reste plus qu'à rejoindre le brick-sloop. Profitant d'un peu de temps libre, Darwin explore les rives de l'île de San Pedro. Lorsqu'il tombe sur un petit Canidé qu'il ne va pas manquer de collecter. Sauf que faute de fusil, notre jeune naturaliste improvise avec les moyens du bord.


« Nous atteignons dans la soirée l’île de San Pedro, où nous trouvons le Beagle à l’ancre. En doublant une pointe de l’île deux officiers débarquent pour relever quelques angles avec le théodolite. Un renard (Canis fulvipes), espèce particulière, dit-on, à cette île, où elle est même fort rare, et qui est nouvelle, était assis sur un rocher. Il était si absorbé dans la contemplation des deux officiers, que je pus m’approcher de lui et lui casser la tête avec mon marteau de géologue. Ce renard, plus curieux ou plus ami des sciences, mais dans tous les cas moins sage que la plupart de ses frères, se trouve aujourd’hui dans le muséum de la Société zoologique » Charles Darwin, Voyage d'un Naturaliste autour du Monde.


Le pauvre renard qui rentra dans la postérité par un traître coup de marteau de géologue fut donc le tout premier spécimen décrit de son espèce. Malheureusement, Darwin avait vu juste, puisque ce Canidé chilien est particulièrement rare et menacé de disparition. Son aire de répartition, bien que très restreinte, n'est cependant pas uniquement insulaire. Il existe une population continentale tout aussi menacée. À la fin du Pléistocène , l'île de Chiloé était reliée au continent chilien par un pont terrestre. Ce pont terrestre a été rompu il y a environ 15 000 ans lorsque le niveau de la mer a augmenté après la dernière glaciation. Ceci explique l'isolement actuel des deux populations.

L'espèce, uniquement forestière, évite les zones anthropisées. Mais lorsque les hivers sont trop rudes, elle délaisse les aires naturelles protégées pour se rapprocher des zones habitées. Pour son plus grand malheur, car en plus d'être décimé à tort pour préserver les volailles domestiques, il y contracte une bactérie mortelle, Mycoplasma haemocanis. Soit autant de funestes raisons de son déclin actuel.


Un Renard de Darwin. Cliché de Fernando Bórquez Bórquez


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