Darwin et les Principes de Géologie de Lyell

Darwin fut considéré comme le premier géologue de terrain à avoir illustré les hypothèses de Lyell sur l'actualisme. Et pour cause, tout au long de son Voyage à bord du HMS Beagle, les trois tomes des Principes de Géologie (1830 - 1833) l'accompagnèrent dans ses lectures ! Mais comment a-t-il pu lire ces tomes au fil de son voyage ? C'est très simple, nous en avons la trace dans sa biographie, correspondance et journal de bord. Revenons sur cette chronologie littéraire.


Première édition des Principes de Géologie de Lyell (source : /www.baumanrarebooks.com)


Tout débute quelques temps avant le départ du HMS Beagle. Au cours de l'automne 1831, le Pr. Henslow lui offre, par l'intermédiaire du Capitaine FitzRoy, le premier tome récemment paru (London: John Murray; janvier 1830). Le Capitaine FitzRoy, qui s'intéresse aux sciences, est ravi d'offrir par la même occasion ce cadeau de bienvenue au jeune homme qui l'accompagnera durant son périple en tant que naturaliste. Henslow l'avertit cependant de ne pas prendre au sérieux le gradualisme et l'uniformitarisme soutenus par Lyell. Non sans malice ? Car l'avertissement eut sur l'esprit du jeune homme l'effet inverse. Le voilà qui, dès son séjour au Cap-Vert, commence déjà à douter du catastrophisme alors en vogue auprès des géologues du début du XIXème siècle !

Le 26 octobre 1832, Charles Darwin est à Montevideo. Dans le courrier qui l'attend à poste restante, des lettres familiales. Mais aussi le tout récent second tome des Principes de Géologie de Lyell (London: John Murray; Janvier 1832), que son mentor et ami le Pr. Henslow lui fait parvenir. Au cours de l'année suivante, Darwin va réaliser de nombreux relevés géologiques et paléontologiques qui lui permettront de formuler son hypothèse d'une élévation graduelle du continent sud-américain. En contradiction avec les hypothèses catastrophistes du naturaliste français Alcide d'Orbigny.

Dans une lettre adressée au Pr. Henslow, son ami et mentor, depuis les Malouines Orientales en mars 1834, Darwin le remercie pour les livres qu'il lui fit parvenir (courrier daté du 31 août 1833). Nous avons de bonnes raisons de croire que parmi ces livres se trouvait le troisième tome des Principes de Géologie (London: John Murray; Mai 1833). Dans une autre lettre débutée le 24 juillet 1834, Darwin remercie le Pr. Henslow pour ses plus récents courriers. Le jeune homme est alors à Valparaiso. Il précise dans son courrier la mention suivante : « J’avais différé la lecture de son troisième volume jusqu’à mon retour, vous pouvez deviner combien cela m’a fait plaisir ; certaines de ses gravures sur bois m’ont si bien servi que je n’ai qu’à m’y référer, au lieu de redessiner des gravures semblables » Lettre adresséeà J. S. Henslow, 24 juillet – 7 novembre 1834. Darwin fait référence à son retour de l'expédition terrestre remontant le fleuve Santa-Cruz, en Patagonie argentine. Dans son Journal de Bord, Darwin évoque sa surprise lorsque la diaspora britannique de Valparaiso lui demande son avis sur la Géologie de Lyell (début août 1834). Pour autant, cela ne prouve nullement qu'il se procura le troisième tome sur place. De toutes évidences, il le possédait depuis quelques mois déjà et venait d'en achever certainement la lecture.

Disciple zélé de Lyell, Darwin n'hésitait pas à se confier sur l'influence intellectuelle majeure qu'eut le père de la géologie moderne sur ses œuvres. Dès son retour autour du Monde à bord du Beagle, les deux hommes devinrent correspondants. Lyell se montra impressionné par les raisonnements scientifiques du jeune Darwin, et accepta son interprétation graduelle de la formation des atolls par développement ascendant des polypes, bien qu'il eut précédemment proposé une autre hypothèse. Malgré leurs divergences d'opinion au sujet de l'esclavage, les deux hommes furent des amis très proches. Et même si Lyell n'était guère séduit par l'évolutionnisme, il ne manqua pas d'aider Darwin à publier sa théorie de la sélection naturelle. Lorsqu'Alfred Russel Wallace proposa des conclusions similaires, Lyell et Hooker furent les artisans de l'arrangement qui amena à la communication conjointe de la théorie de l'évolution par sélection naturelle devant la Linnean Society, le 1er juin 1858. Sans Lyell, Darwin n'aurait probablement pas été le Darwin que nous connaissons aujourd'hui.

Commentaires

Articles les plus consultés en ce moment :

[1834] Retrouvailles avec un camarade d'enfance

[1834] Au mouillage à Valparaiso