Au sujet du livre « Voyage d’un naturaliste autour du monde »
Le savez-vous ? Le fameux Voyage d’un naturaliste autour du monde disponible en français est le troisième volume du Narrative of the Voyages of H.M. Ships Adventure and Beagle. Publié en 1839 sous le titre abrégé de Journal and Remarks il fut la même année que ça parution rebaptisé Journal of Researches. Il s'agit d'une version narrée des épisodes les plus marquants de la Seconde Expédition du HMS Beagle et des voyages terrestres du point de vue du jeune naturaliste Charles Darwin. Ce livre n'est donc pas à confondre avec le Journal de Bord de Darwin qu'il rédigea de manière quasi quotidienne au cours de son voyage. Comble de malchance pour nous, c’est le seul tome disponible en français. Il vous faudra donc lire la langue de Shakespeare pour connaître les récits contenus dans les deux premiers volumes.
Le capitaine FitzRoy édita une partie du premier volume avec le capitaine King, puis rédigea seul le second volume. Pour rappel et précisions, la première expédition du HMS Beagle était menée à deux navires avec le HMS Adventure. Le capitaine Stokes est alors sous les ordres du capitaine King. Or lorsque le capitaine Stokes se suicida, FitzRoy fut appelé à reprendre en cours d’expédition le commandement du Beagle. C’est pourquoi King s’occupa en partie du premier tome des Narratives, avec l’aide considérable de FitzRoy et du Journal de Bord de feu le capitaine Stokes.
FitzRoy mis énormément de cœur à l’ouvrage dans le second tome, l’expédition qu’il commanda seul entre 1831 et 1836. Il se montra fort susceptible lorsque fuitèrent des feuillets du vol. III dans lequel Darwin se montrait trop peu remerciant de l’aide des officiers du Beagle. La susceptibilité de FitzRoy fut calmée par des corrections de dernière minute. À la fin de février 1838, King’s Narrative (volumes I) et Darwin’s Journal (volume III) avaient été imprimés, mais FitzRoy travaillait toujours d’arrache-pied sur son volume II.
Or quand enfin le volume II fut imprimé, le succès du tome de Darwin était déjà imposant. Et le tome de FitzRoy ne connut pas le même engouement. Ce dernier en conserva une rancœur contre Darwin qu’il devait mûrir les années suivantes. Leur amitié se dégrada rapidement. Il faut dire que le tome II de FitzRoy est précis, mais énumère souvent des faits, là où Darwin retranscrit le récit captivant d’un naturaliste aventurier. De plus, FitzRoy expose ses vues conservatrices et religieuses sur la géologie, là où Darwin est progressif et visionnaire.
En 1845, seconde édition du volume III écrit par Darwin, qui l’enrichit de ses recherches récentes sur ses collections rapportées de l’expédition. Le titre devient Journal of Researches into the Natural History and Geology of the countries visited during the voyage of H.M.S. Beagle round the world. Darwin oriente de plus en plus son récit vers une interprétation proche de ce qui fera le terreau de son ouvrage majeur « L’Origine des Espèces » alors que FitzRoy devient un religieux de plus en plus radicalisé. Le torchon brûle entre eux deux !
En 1860, durant le célèbre débat entre le Pr. Huxley et l’évêque Wilberforce (ou débat sur l’évolution d’Oxford) qui fit suite à la publication de l’ouvrage majeur de Darwin intitulé L’Origine des Espèces, FitzRoy fit même une intervention théâtrale remarquée. Après une tirade provocatrice de Huxley achevant de rejeter les arguments religieux de Wilberforce, l’assemblée s’enflamme. Des soutiens de Wilberforce se lèvent et protestent bruyamment contre ces propos jugés blasphématoires. L’amiral FitzRoy, alors présent dans le public, se dresse pour agiter frénétiquement sa Bible tout en s’écriant par-dessus le vacarme que c’est son livre saint, et non « le serpent [qu’il avait] hébergé sur son bateau, qui forme l’autorité véritable et intouchable » !
Darwin n’en porta nulle rancune contre son ancien ami, dont il continua à louer le caractère généreux dans son Autobiographie. Mais pour deux lecteurs séduits en 1831-1832 par Lyell, quels parcours divergents que ceux du bigot FitzRoy et du scientifique Darwin.
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