[1832] Les uniformes de la Royal Navy durant le voyage du Beagle

Le 26 juillet 1832 à 9 heures du matin, le HMS Beagle entre dans la baie de Montevideo. Mais la ville est en proie à l'instabilité ! Deux partis opposés se disputent le contrôle de la ville. Le HMS Druid, - une frégate de classe Seringapatam de 46 canons - est déjà sur place. A peine le Beagle est-il arrivé que le commandant Hamilton leur envoie les signaux suivants : « Branle bas de combat » et « Préparez-vous à couvrir nos embarcations ». Tout s'éclaira lorsque 6 embarcations lourdement armées de caronades avec 40 fusiliers marins et 100 tuniques bleues à leur bord rejoignent le Beagle. Le commandant Hamilton est venu expliquer en personne au capitaine FitzRoy la situation politique de Montevideo. Et il faut croire que le contexte militaire est des plus tendus pour organiser une telle escorte entre les deux navires !

Hamilton explique une fois à bord qu'un gouvernement militaire illégitime usurpe le contrôle de la ville uruguayenne. Les coups d'état d'Amérique méridionale amusent beaucoup Darwin, qui les décrit sous ces termes peu flatteurs : « Dans ces pays, les révolutions sont tout à fait risibles. Il y a quelques années à Buenos Aires, il y eut 14 révolutions en 12 mois ». Charles Darwin, Journal de Bord. Cependant, les Anglais prennent cette agitation uruguayenne beaucoup plus au sérieux dès lors que la sécurité et la propriété des ressortissants britanniques sont menacées. En effet, un propriétaire terrien britannique s'est vu confisquer 400 chevaux par le chef du parti rebelle occupant la ville ! La Royal Navy entend faire respecter les intérêts privés de ses compatriotes même en Amérique du Sud, et le commandant Hamilton espère bien que la petite excursion de sa flottille de canonnières soit remarquée depuis la ville.

Depuis quelque semaines déjà, les officiers du HMS Druid n'ont pas l'autorisation d'aller à terre. Darwin s'inquiète que la même restriction s'applique à l'équipage du HMS Beagle. Pour le moment, le brick-sloop est au mouillage dans la baie de Montevideo. La marine britannique s'autorisera-t-elle une intervention militaire à terre ? « M. Parry (marchand local [britannique] de premier plan) déclare qu'il est tout à fait certain que les 150 hommes de la Frégate pourraient s'emparer de Montevideo n'importe quelle nuit ». Charles Darwin, op. cit. Voilà qui est bien présomptueux, d'autant plus que le gouvernement rebelle dispose de 260 cavaliers Gauchos et d'une infanterie « de Nègres » à peu près équivalente. En-dehors de la ville, le parti adverse rassemble encore ses forces. Mais la pleutrerie des deux camps ne fait aucun doute pour Darwin : « Au moment où il entrera dans la ville, les autres décamperont » Charles Darwin, op. cit.

Cette situation nous offre une belle occasion de parler un peu plus de l'organisation militaire des navires de Sa Gracieuse Majesté. Si d'un côté nous avons affaire aux marins de la Royal Navy, les "tuniques bleues" ; les fusiliers marins du corps des Royal Marines sont affublés de "tuniques rouges". Il s'agit donc de ne pas les confondre à bord du vaisseau ! Les Royal Marines furent créées en 1664 sous le nom de « Duke of York an Albany's Maritime Regiment of Foot ». Jusqu'au milieu du XIXème siècle, ils étaient embarqués en petites unités (un peloton commandé par un sergent la plupart du temps) à bord des vaisseaux de la Royal Navy. Leur rôle était d'assurer la police à bord tout en étant engagés directement lors d'affrontements en mer ou sur terre. Combinés aux hommes d'équipage armés en cas de combat, ils constituaient l'épine dorsale de la force amphibie à bord des navires britanniques.

J'ai tenté de retrouver les uniformes en vigueur dans la Royal Navy et chez les Royal Marines dans les années 1830 (le Second Voyage du Beagle ayant lieu de 1831 à 1836). Pour débuter mes investigations, j'ai recherché quelques images de la série télévisée The Voyage of Charles Darwin, diffusée pour la première fois en 1978 par la BBC. Nous pouvons observer dans le premier épisode les uniformes des plusieurs soldats et d'un sergent des Royal Marines. Tandis que durant une scène filmée en mer, FitzRoy et ses officiers apparaissent en grande tenue de la Royal Navy. Puisque des costumes de marins plus « décontractés » sont aussi employés dans différentes scènes de la série télévisée, il y a fort à penser que l'équipage revêtait chaque type d'uniforme (« grande tenue », « petite tenue », mais aussi des tenues plus simples pour le service ordinaire ?) selon les besoins du service et les exigences du capitaine.


The Voyage of Charles Darwin, 1978, BBC.



The Voyage of Charles Darwin, 1978, BBC.


Quelques documents disponibles sur Wikipedia et Pinterest permettent de se faire une idée des uniformes de rigueur dans les années 1820 et 1830. Il semble que les tenues aient peu évolué après les Guerres Napoléoniennes, et ce jusqu'en 1837. Nous pouvons donc supposer que les uniformes portés par l'équipage lors des deux premiers voyages du HMS Beagle étaient sensiblement identiques. De même, les uniformes des années 1810 peuvent sembler vieillots, mais devaient être assez proches de ceux en vigueur durant les deux décennies suivantes. J'en inclus quelques exemples ci-dessous. Un internaute m'a également conseillé l'ouvrage "The Royal Navy 1790-1970" de R. Wilkinson-Latham (1977). Une bonne pioche puisqu'on y trouve quelques exemples d'uniformes de 1828-1830. Voilà qui peut, en attendant d'autres recherches plus approfondies, donner déjà une petite idée des tenues réglementaires à bord du HMS Beagle durant le Voyage de Darwin !


Uniformes de la Royal Navy et des Royal Marines entre 1812 et 1825. Source : Wikimedia (2020)

Quelques exemples d'uniformes au combat en 1810. Crédits : Osprey Military



Un soldat de seconde classe ("private") du corps des Royal Marines. Gravure coloriée (1815).



Les uniformes de la Royal Navy (à gauche : 1805 ; à droite : 1828). In : Wilkinson-Latham, R. (1977). The Royal Navy 1790-1970

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