[1832] Birdwatching sur une colline surpâturée

Le 28 juillet 1832, l'équipage du HMS Beagle a l'autorisation de débarquer au Cerro de Montevideo. Cette colline domine à l'Ouest la baie de Montevideo (132 m d'altitude), lui conférant une importance stratégique de premier ordre. Un phare (1802) d'une hauteur de huit mètres surplombe le monticule granitique. En-dessous du phare, une forteresse militaire fut achevée en 1811. Initialement baptisée Fortaleza del Cerro, elle est également connue sous le nom de Fortaleza General Artigas. Démilitarisée en 1939, le bâtiment accueille désormais le Museo General Artigas.


Le site actuel du Cerro de Montevideo (Google Maps)

De nos jours, le Cerro de Montevideo est cerné par le développement urbain de Montevideo. Les espaces verts encore visibles sont aménagés en parcs urbains et installations sportives. Darwin s'émerveillait des nombreux passereaux colorés qu'il observa sur les flancs pâturés de cette colline. De nos jours, le site attire-t-il encore les ornithologues ? Sur iNaturalist, le Cerro de Montevideo n'est pas indiqué comme site remarquable : ses parcs semi-boisés, ses installations de loisirs et son golf aménagé n'engrangent que très peu d'observations naturalistes. Cependant, les témoignages sur le web laissent entendre que les parcs arborés demeurent un bon spot pour observer divers oiseaux communs aux plumages colorés. Certaines espèces signalées aujourd'hui comme le Commandeur huppé (Gubernatrix cristata) ou le Tyranneau omnicolore (Tachuris rubrigastra) étaient probablement présentes lors de la visite de Darwin. Mais d'autres « coches » actuelles, comme la Paruline à joues noires (Setophaga pitiayumi) inféodée aux milieux boisés, y étaient probablement absentes du temps de Darwin.


Commandeur huppé (Gubernatrix cristata). Gravure de John Gerrard Keulemans (1876)

Le charme d'une promenade ornithologique urbaine au Cerro de Montevideo n'est guère comparable à la visite de Darwin en 1832. L'influence anthropique s'y manifestait alors de manière radicalement différente. Le Cerro était un important pâturage bovin. Ce facteur biotique influençait en conséquence la couverture végétale. Le milieu était ouvert et piétiné, les espèces florales naines nombreuses. Seules des plantes à tiges coriaces comme les jonc, chardons et acanthes dépassaient le stade herbacé. Le surpâturage du Cerro avait de toutes évidences profondément modifié l'écosystème originel, mais peut-être était-il encore favorable aux Passereaux en halte migratoire ainsi qu'aux Galliformes présents dans les milieux ouverts. En témoigne le tableau de chasse des aspirants du Beagle accompagnant Darwin à terre. D'anciennes zones humides potentielles en arrière de l'estran rocheux et sablonneux, distantes d'un kilomètre en contrebas, accueillaient les canards tirés par les aspirants. Ce gibier d'eau rejoignit les perdrix au menu de l'équipage. Les jeunes officiers capturèrent également un Guano, imposant lézard de 91 cm de long. « On estime que ces lézards son un excellent aliment » Charles Darwin, Journal de Bord.

Le témoignage de Darwin au Cerro de Montevideo souligne comment l'activité humaine peut fortement influencer les écosystèmes. Autrefois milieu naturel semi-ouvert bordé de zones humides d'arrière-côte, le Cerro devint un milieu ouvert surpâturé au cours du XIXème siècle. Il est aujourd'hui un milieu boisé semi-urbain, fortement influencé par les aménagements de loisirs et plantations ornementales. Difficile d'y retrouver le paysage que Magellan arpenta en 1520 lors de sa découverte du site.

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