[1835] Premières impressions de Darwin sur les Maoris
Les tribus autochtones entretiennent un rapport particulier avec l'art guerrier. Darwin n'en effleure qu'une faible portion, se basant sur des histoires pittoresques rapportées par les missionnaires. En réalité, ces successions de conflits et leurs rites guerriers déconcertants pour notre jeune britannique révèlent une société complexe, en pleine mutation depuis les premiers contacts occidentaux. Comme toujours, les colons apportent leurs vices : prostitution, alcoolisme, paupérisation, la richesse des élites Maori n'est qu'un leurre face à la décrépitude sociale qui s'annonce.
Brillant naturaliste, Darwin se révèle cependant un piètre ethnographe. Si la discipline reste encore balbutiante en ce début du XIXème siècle, l'âge des grandes explorations aurait pu à maintes reprises inspirer notre jeune homme à s'intéresser de plus près à l'anthropologie. Nous comprenons une fois de plus qu'il s'agira d'un rendez-vous manqué. Darwin tente de porter un regard scientifique sur les Maoris, mais tombe inévitablement dans les préjugés de son époque. Nous n'aurons aucune autre considération que l'avis biaisé d'un gentleman persuadé d'une échelle des races civilisationnelles propre à son époque. Or selon cette construction anthropologique, Darwin considère les Fuégiens en bas de l'échelle, les Maori guère plus haut, et les Tahitiens en bonne position. Curieuses opinions bien subjectives, pour un jeune homme qui dès son Voyage plaide pour l'universalité de l'espèce humaine.
Mais quels sont les reproches de Darwin à l'égard des Maoris ? Leur manque d'unicité malgré la fondation des Tribus unies de Nouvelle-Zélande (1835). Mais surtout leur goût fort prononcé pour les guerres tribales, et leurs mœurs esclavagistes. Darwin rejette toute compréhension des ethnies rencontrées, et ne peut accepter ce qu'il combat avec virulence. Peut-être est-ce là une des raisons de son rejet catégorique de la société Maori ; en quelque sorte notre jeune homme pêche par son humanisme et sa philanthropie. Curieux paradoxe ? En réalité, Darwin est un gentleman progressiste de son époque, tout simplement.
Illustration : homme de la baie de Tolaga portant un moko en 1827. Gravure de Louis Auguste de Sainson.

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