[1832] Santiago, étape majeure pour le géologue Darwin (3/3)

L'île de la caille (Quail Island) se situe devant Porto-Praya, à Santiago. Ce bout de roche aride de 420 mètres de long pour 130 mètres de large a fortement influencé la conception géologique de Darwin. Pendant le séjour du Beagle au Cap-Vert, le capitaine FitzRoy y installe un observatoire afin de prendre la mesure la plus précise possible de la longitude.


Carte de l'Amirauté britannique de Port-Praia (Porto-Praya), 1813. Quail Island est au centre de la carte.


« Dès qu’on entre dans le port, on aperçoit, dans la dune qui fait face à la mer, une bande blanche parfaitement horizontale qui s’étend sur une distance de plusieurs milles le long de la côte et qui se trouve placée à une hauteur d’environ 45 pieds au-dessus du niveau de l’eau ». Charles Darwin, Voyage d’un naturaliste autour du monde. Darwin n'est pas un novice en géologie, comme nous l'avons vu dans les billets précédents. Dès sa première journée débarqué à Quail Island, il remarque que l'île est un immense bloc rocheux surélevé composé de trois couches distinctes, deux couches de roche volcanique sombre et une couche claire d'origine sédimentaire.

« Cette couche repose sur d’anciennes roches volcaniques et a été recouverte à son tour par une coulée de basalte qui a dû se précipiter dans la mer, alors que cette couche blanche renfermant les coquillages reposait au fond des eaux ». Charles Darwin, op. cit. L'île est donc un sandwich géologique, montrant clairement une formation graduelle depuis la coulée primordiale sur laquelle repose les dépôts sédimentaires marins, eux-mêmes probablement surélevés au cours des différentes époques géologiques, avant qu'une seconde coulée de lave ne vienne terminer l'affleurement.

Ces conclusions sont déjà clairement exposées dans les Notes géologiques que Darwin recueille les 17-18 janvier 1832 : « Dans l'ensemble, je pense qu'il est clair et probable qu'après que les couches marines se soient tranquillement déposées sur les roches volcaniques inférieures. Une nappe de matière fondue était étalée sur eux, et que toute la masse était alors soulevée. » Charles Darwin, Notes géologiques. La géologie actuelle confirme les hypothèses de Darwin. Le Cap-Vert se trouve bien au-dessus d'un point chaud à l'origine de ses roches volcaniques. Quant au niveau de la mer, il a varié au cours des six derniers millions d'années au fur et à mesure des dynamiques de soulèvement du plancher océanique au niveau de l'archipel.

Pour autant, la transition entre catastrophisme et uniformitarisme de Lyell s'opère lentement. Comme l'écrit Darwin dans ses Notes géologiques : « Je n'ai pas mentionné une petite couverture de diluvium sur le côté ouest de l'île. - D'abord. Je pensais qu'il s'agissait simplement de débris de la roche feldspathique supérieure. — mais en examinant j'ai trouvé de nombreux fragments des roches augitiques inférieures. — il ne semble pas être d'origine marine. même si c'est l'explication la plus probable. — Il me semble qu'il s'agit d'une partie du Diluvium longtemps disputé ». Une explication que Darwin ne formulera pas de nouveau en 1836, lors de son retour au Cap-Vert. Et pour cause, l'épisode de Quail Island a déclenché une conversion définitive vers les thèses de Lyell, aussi tout retour vers l'ancienne géologie catastrophiste est impossible. En l'espace de quelques jours sans le savoir, en arpantant cet îlot désolé devant Porto-Pray, Darwin vient de basculer dans la géologie moderne.

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