[1832] De Rio de Janeiro à Macaé : récit d'un voyage aller et d'un retour (4/4)

Les deux jours passés à Socêgo s'achèvent (17 et 18 avril 1832). Une fois de plus, Darwin met à profit ce temps libre pour étudier la luxuriante biodiversité de la forêt tropicale atlantique. « Je restai la plupart du temps dans les bois et je réussis à rassembler un grand nombre d'insectes et de reptiles ». Charles Darwin, Journal de Bord. Les lianes, plantes grimpantes herbacées très répandues en milieu tropical, envahissent littéralement les plus vieux palmiers. Darwin note également la profusion de palmistes, qu'il décrit comme des palmiers à bourgeon terminal tendre et comestible.

Il s'agit des végétaux fournissant les fameux cœurs de palmier que nous pouvons acheter en bocaux dans nos épiceries modernes. Le premier pays producteur mondial est aujourd'hui le Brésil. Initialement à l'époque de Darwin, les espèces sauvages exploitées étaient Euterpe edulis (en danger critique d'extinction) et l'Açaï Euterpe oleracea. Ce sont probablement ces deux espèces que Darwin décrit durant son Voyage. De nos jours, la variété cultivée de Bactris gasipaes a détrôné les anciennes variétés.


Famille de planteurs brésiliens se rendant à l'église (1820-25). Gravure de Johann Moritz Rugendas.

Le 19 avril 1832, la petite compagnie entame son trajet de retour vers Rio de Janeiro. A nouveau, il faut traverser le Rio Macaé. Les voyageurs font escale plus au Sud, à la venda de Matto. Puis le 20 avril, retour à Campos-Novos, au Nord du Cap Frio. Les conditions sont difficiles : la route sablonneuse est brûlante et la traversée du fleuve São João est rendue compliquée. Non pas qu'il leur faille l'effectuer à la nage, un bac se charge du transport. Mais parce que les deux équipiers sensés manœuvrer le bac sont ivres ! A partir du 21 avril 1832, l'équipage quitte la route précédemment suivie lors du voyage aller pour lui préférer une voie s'enfonçant vers l'Ouest, dans les terres. Le petit groupe s'est également réduit. Il ne reste plus que Mr. Lennon, son neveu et Charles Darwin. Le soir, les trois voyageurs font escale au Rio Combrata. La venda locale surpasse les critères les plus miséreux jusqu'ici rapportés par notre jeune explorateur.

Au 22 avril 1832, le petit groupe prend la direction de Madre de Deus (aujourd'hui commune de Rio Bonito). Des torrents de pluie ralentissent la progression de trois cavaliers. Darwin est séduit par le style architectural des maisons basses et colorées. Mais pour autant, il ne peut s'arrêter admirer la petite cité. De même reste-t-il frustré de ne pouvoir mieux contempler les oiseaux exotiques visibles le long du chemin. La pluie ne leur laisse hélas aucun répit. Arrivés à Freguesia de Itaboraí (aujourd'hui commune de Itaboraí), Darwin n'en est pas moins soulagé. La route traversant l'intérieur des terres est bien meilleure que la route côtière, mais elle n'en reste pas moins dangereuse. Il en donne pour preuve les nombreuses petites croix bordant le chemin, et signalant qu'un meurtre fut commis en ces lieux …

Dernière étape le 23 avril pour rallier Praia-Grande, désormais un quartier de la ville de Niterói. La fin du cheminement ne se prête guère une fois de plus à l'observation naturaliste. Nous savons cependant que Darwin et ses compagnons traversèrent des zones résidentielles peu denses et un bois d'acacias. L'arrivée à Niterói ne se fait pas sans quelques désagréments. Darwin et ses compagnons ont malheureusement perdu leurs précieux passeports les autorisant à parcourir l'intérieur des terres. Les autorités locales les soupçonnent d'être des brigands et ils eurent le plus grand mal du monde à justifier de la propriété de leurs chevaux !



Enfin, le 24 avril 1832, Darwin est de retour à bord du HMS Beagle. Il apprend alors les changements survenus dans la liste d'équipage. Le chirurgien McCormick a démissionné. Ce fut, durant ces premiers mois, un sérieux concurrent au titre de naturaliste à bord du Beagle, comme nous l'avions vu dans un précédent billet. Le sous-lieutenant Derbyshire a été déchargé à sa demande de ses fonctions, et sera remplacé par M. Johnstone, transféré du HMS Warspite qui est aussi présent à Rio de Janeiro en cette date. Les sous-lieutenants (grade de « mate » en anglais) de la Royal Navy à cette époque étaient d'anciens aspirants ayant réussi l'examen de lieutenant mais en attente d'affectation officielle.


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