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[1834] Darwin songe à abandonner

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En octobre 1834, de retour chez M. Corfield à Valparaiso après une excursion dans la Cordillère des Andes, Darwin se sent très affaibli et doit tenir le lit. Cette épreuve le mène jusque d'atroces tourments, et il s'en confie douloureusement à sa sœur Caroline. Pour notre jeune homme, l'origine de ces maux ne fait alors pas de doutes : « d e retour de mon excursion à la campagne, j'ai séjourné quelques jours dans des mines d'or et, là-bas, j'ai bu du chichi [chicha de uva] , un vin nouveau, très faible et acide, qui m'a presque empoisonné  » Correspondance de Charles Darwin à Caroline Darwin, 13 octobre 1834 . Certains auteurs attribuent cette crise subite à la maladie de Crohn , qu'il aurait alors contracté par toxi-infection alimentaire. S'il se veut rassurant sur l'amélioration de son état «  mais Bynoe [Assistant-chirurgien du HMS Beagle ], avec une bonne dose de calomel et du repos, m'a presque remis sur pied et je ne suis plus qu'u...

[1835] Les Poissons de Tahiti

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La consultation des Zoology Notes et de la Zoologie du Voyage du HMS Beagle se montre particulièrement décevante en ce qui concerne les collections réalisées à Tahiti. Ne figurent que des Poissons, et encore en nombre assez restreint ! Nous pouvons comprendre aisément ce bilan au vu de la courte escale tahitienne, et l'absence d'exploration terrestre prolongée. En ce qui concerne ces Poissons, ils furent conservés puis confiés pour identification à Leonard Jenyns. Si bon nombre de ces spécimens permirent la toute première description de leur espèce, aucun d'entre-elles n'est endémique à Tahiti. Parmi ces espèces, il y a fort à parier que beaucoup furent en premier lieu pêchées pour améliorer l'ordinaire de l'équipage. Ce sont toutes des espèces communes de la zone indo-pacifique, pour lesquelles l'UICN ne signale aucune menace particulière. En définitive, la collection tahitienne de Darwin présentait surtout un intérêt géographique lointain pour les natur...

[1835] Darwin et les Tahitiennes, un combat féministe raté ?

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Le 22 novembre 1835, le HMS Beagle arrive à Papeete. La Reine Pomare IV y réside, ainsi que son conseiller, le missionnaire Pritchard. Ce personnage central des événements politiques à venir à Tahiti nous est décrit par Darwin comme un « homme sensé, agréable et bon ». Rappelons que sa décision hâtive d'expulser les prêtres catholiques français l'année suivante entraînera la perte de Tahiti pour l'Angleterre.  Signe d'un débat alors soutenu dans les salons britanniques, Darwin s'attarde assez longuement sur la bonne morale des filles des missionnaires qu'il y rencontre, avant de dresser un bilan élogieux de l'évangélisation des populations tahitiennes. Réfutant les accusations qu'il juge calomnieuses quant au travail des missionnaires sur place, il insiste pour les présenter comme les « sauveurs » d'une civilisation jusqu'alors sauvage, belliqueuse et sacrificielle. Autant d'arguments en faveur du mythe de ''l'homme blanc occiden...

[1835] Premiers pas aventureux à Tahiti

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Le 17 novembre 1835, Darwin débute son exploration naturaliste de Tahiti. Son attention se porte bien entendu sur l'origine volcanique de l'île, ainsi que sur sa luxuriante végétation. A la fin de cette première journée, il se délecte d'ananas, de bananes chaudes grillées et de lait de noix de coco. L'autochtone qui le régale ainsi semble disposé à l'aider dans ses vagabondages, aussi convint-il avec M. Wilson, le missionnaire local, qu'il lui servirait de guide au cours de son séjour. Notez qu'entre le précédent billet et celui-ci, il ne s'est déroulé qu'une seule nuit à Tahiti. Si Darwin « saute » le 16 novembre, c'est parce que le HMS Beagle , en provenance d'Amérique du Sud, a franchi la ligne symbolique du changement de date ! Notre jeune naturaliste met donc à jour son Journal de Bord . Au 18 novembre, troisième jour à Tahiti, Darwin se rend à terre au matin de bonne heure, bien résolu à poursuivre ses investigations naturalistes. Rar...

[1835] L'arrivée à Tahiti

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Le 15 novembre 1835, le HMS Beagle est en vue de Tahiti ! Le navire double la pointe Vénus, promontoire septentrional de l'île. La navigation du brick-sloop est impeccable, puisque quelques jours auparavant, il a franchi sans encombres le tant redouté archipel Dangereux (Tuamotu). Une petite victoire pour le Capitaine FitzRoy ! Tahiti, destination paradisiaque pour notre imaginaire collectif, l'est beaucoup moins pour Darwin. Il juge l'aspect de l'île peu engageant, et le sinistre destin du Capitaine Cook devait forcément résonner dans son esprit dès lors que des pirogues entourèrent le Beagle au mouillage dans la baie de Matavai. Tahiti, gravure de Conrad Martins. In : Narratives , FitzRoy (1839). Lors du séjour du HMS Beagle à Tahiti, l'île était sous influence britannique. La Reine autochtone Pomare IV dirigeait l'île depuis 1827, mais son principal conseiller, le pasteur anglais Pritchard, Consul d'Angleterre, poursuivait l'influence britannique ...

[1835] Le HMS Beagle arrive en Polynésie

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Le 9 novembre 1835, le fameux brick-sloop arrive en vue de l'atoll Pukapuka, qui appartient au groupe des îles du Désappointement, de l'archipel Tuamotu, en Polynésie française. «  La première île dont on puisse dire d'une manière véridique qu'elle appartient à la Polynésie  » note-t-il dans son Journal de Bord . Les conditions de navigation sont déplorables. C'est la saison des pluies, l'air chaud est saturé d'humidité, et une brume trompeuse tarde à se lever. Le travail de cartographie du Beagle s'annonce compliqué. Darwin non plus ne semble alors pas vraiment à jour de sa géographie du Pacifique, puisqu'il nomme cet atoll tout aussi bien île du Chien que île Incertaine, deux atolls bien distincts de Polynésie. Mais est-ce vraiment une confusion ? Peut-être pas, tout dépend des explorateurs auxquels nous nous référons ! Commençons par un peu d'histoire. Cet atoll, formé par l'excroissance corallienne d'un volcan sous-marin, est appar...

[1835] La Traversée du Pacifique

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Le 1er novembre 1835, Darwin note dans son Journal de Bord : «  Nous avançons maintenant à la vitesse régulière de 150 ou 160 milles (278 – 297 km) par jour. L'alizé souffle sans arrêt jour et nuit. Avec les bonnettes mises de chaque côté, nous traversons agréablement le bleu de l'océan. Nous avons maintenant quitté les sombres régions qui s'étendent loin de la côte de l'Amérique du Sud, et chaque jour le soleil éclatant brille dans le ciel sans nuages  ». Que de belles conditions pour traverser l'océan Pacifique ! Les bonnettes sont des voiles légères que l'on accroche aux extrémités des verges des voiliers pour augmenter la puissance de traction au vent. Cela signifie que le Capitaine FitzRoy ne s'attend à rien croiser d'autre que l'océan pendant ces prochains jours, et qu'il lui tarde d'atteindre au plus vite les îles Polynésiennes. Ce sera chose faite d'ici huit jours en mer. Durant ce périple en Pacifique Sud, Darwin s'applique ...

Le Voyage du Beagle - édition illustrée

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Dans la catégorie beaux livres reliés, l'éditeur Delachaux et Niestlé publiait en 2018 un ouvrage grand format rendant hommage au célèbre Voyage qui marqua l'histoire des sciences naturelles. Richement illustré, ce livre cartonné sous jaquette est agrémenté de textes et documents issus des Narratives du Capitaine FitzRoy ou encore d'autres textes de Darwin. Sans l'expliquer très clairement, l'édition se présente en somme comme une version de luxe du " Voyage d'un naturaliste autour du Monde ". Hélas, il ne s'agit pas pour autant d'une nouvelle traduction, ni d'une réédition complète du  Voyage  ! Alléchant ouvrage, qui nous plonge dans l'ambiance si particulière des gravures du XIXème siècle ! Les amateurs de beaux livres et d'histoire naturelle apprécieront cette publication, qui propose une édition de luxe du célèbre récit d'expédition de Charles Darwin. Néanmoins, la présentation demeure assez trompeuse. Comme précisé plus ...

[1834] La mystérieuse maladie de Charles Darwin

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Le mois d'octobre 1834 se présente bien mal pour notre pauvre naturaliste. Darwin doit tenir le lit chez M. Corfield à Valparaiso . Le capitaine FitzRoy a accepté de retarder le départ du Beagle prévu en octobre durant la convalescence du jeune homme. « J'y gardai le lit jusqu'à la fin octobre. Ce fut une sérieuse perte de temps car j'avais espéré collecter de nombreux animaux. Très obligeamment, le Capitaine FitzRoy retarda le départ du Navire jusqu'au 10 novembre, date à laquelle je fus tout à fait rétabli » Charles Darwin, Journal de Bord . Ce fâcheux bulletin de santé est le tout premier signe de cette maladie chronique qui l'affligera douloureusement tout le reste de sa vie. Mais quelle était donc cette mystérieuse maladie que les médecins ne purent jamais véritablement diagnostiquer de son vivant ? Le mystère demeure, deux siècles après cette première crise au Chili. Les hypothèses sont nombreuses, et la littérature médicale s'est passionnée pour le...

[1835] l'Adieu aux Galápagos

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Le 17 octobre 1835, le HMS Beagle rembarque Darwin et ses compagnons après leur exploration de l'île James. Puis, une fois l'ancre levée, il se dirige à nouveau vers l'île Pinta, la plus septentrionale de l'archipel. Sur place, ils récupèrent Mr. Chaffers et sa yole ! Le fier marin aura lui aussi, et avec rigueur, collecté depuis sa petite embarcation de précieuses données cartographiques complémentaires sur l'archipel. Un travail d'équipes, orchestré d'une main de maître par le commandant de l'expédition, le Capitaine FitzRoy. Au 19 octobre 1835, le Beagle se dirige vers deux petites îles au Nord-Ouest de l'archipel, les îlots Wenman, puis Culpepper. Ces reliques d'anciens volcans éteints sont issues de panaches de point chaud. Cette remontée magmatique fut cependant bien éphémère, en comparaison aux panaches principaux du point chaud des Galápagos. L'équipage du Beagle ne débarque pas sur ces îlots perdus en mer. Darwin n'en parle p...

[1835] La Souris des Galápagos

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Durant son escale sur l'île San Cristobal , dans l'archipel des Galápagos, Darwin captura un spécimen de rongeur. Le petit Mammifère devait cependant se révéler particulièrement intéressant, puisque George Robert Waterhouse l'identifia comme nouvelle espèce sous le nom scientifique de Mus galapagoensis (Waterhouse, 1839). Sa description fut publiée dans les fascicules de la '' Zoologie du voyage du H.M.S. Beagle '' et une illustration vint même agrémenter l'ouvrage. «  Cette souris, ou rat, est abondante sur l'île Chatham, dans l'archipel des Galápagos. Je ne l'ai trouvée sur aucune autre île de l'archipel. Elle fréquente les buissons qui couvrent avec parcimonie les coulées de lave basaltique accidentées, près de la côte, là où il n'y a pas d'eau douce et où la terre est extrêmement stérile  » Charles Darwin, Op. Cit . Désormais connue sous le nom scientifique de Aegialomys galapagoensis , cette souris endémique des Galápagos ne...

[1835] Les Poissons des Galápagos

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En évoquant le Voyage de Darwin, nous viennent rapidement à l'esprit les Oiseaux et les Reptiles des Galápagos. Ces raccourcis, largement diffusés par la culture populaire, s'appuient sur l'importance de ces taxons dans la construction de la théorie de la transmutation des espèces dès 1837. Cependant, il ne faudrait pas oublier que Darwin constitua d'autres collections de spécimens au cours de son Voyage. Et lors de son séjour dans l'archipel des Galápagos, notre jeune naturaliste préleva pas moins de quinze spécimens de poissons, dont il confia l'identification à Leonard Jenyns  (1842). Retracer l'ensemble des collections de Poissons du Voyage et les classer à la lumière de la phylogénie actuelle serait une gageure ! Le travail, incommensurable, reviendrait à se perdre dans les méandres de près de deux siècles d'histoire de la classification. Le terme lui-même de « poissons » nous occuperait bien un moment, puisqu'il s'agit aujourd'hui d...

Darwin n'est pas celui qu'on croit - Patrick Tort

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Nous connaissons hélas bien mieux les faux aphorismes et les dévoiements que les théories et la pensée de Darwin. Ces erreurs, sans cesse répétées, ne sont pas récentes. Dès la première édition de " L'Origine des Espèces ", la théorie de la sélection naturelle est moquée, conspuée, déformée. Du fameux échange houleux entre Huxley et Wilberforce en 1860 aux allégations des partisans de l'intelligent design, les mécanismes de l'évolution ne cessent d'être attaqués. Et peu importe que la recherche scientifique ait maintes fois confirmé leur véracité. Mais la biologie évolutionniste n'est pas le seul terrain d'attaque contre Darwin. Par souci de le discréditer en tant que scientifique, ou par simple rejet injustifié du personnage, sa biographie fait l'objet de nombreuses rumeurs, calomnies et autres attaques. Était-il raciste ? Sexiste ? Eugéniste ? Développait-il vraiment une argumentation, ou bien se contentait-il de plagier Lamarck ? Était-il croyan...

Darwin et le Darwinisme - Patrick Tort

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Continuons la lecture des ouvrages de vulgarisation de Patrick Tort avec ce célèbre ouvrage de la collection Que sais-je ? aux éditions PUF. La septième édition (2022) chroniquée ici est agrémentée d'une illustration de couverture peu engageante, puisqu'elle met à l'honneur l'adage trompeur de l'homme descendant du singe, soit une évolution linéaire et finaliste de la lignée humaine. Cela commence mal. Mais rassurons-nous, le graphiste de l'éditeur n'ayant aucune influence sur l'auteur, le contenu de ce court livre devrait être bien plus pertinent. Or heureusement, le fond sauve bien la forme ! Commençant par une mise en perspective biographique, Patrick Tort aborde ensuite et de manière synthétique chaque œuvre majeure de Darwin, dans l'ordre chronologique. Ici, point de sciences naturelles à proprement parler, mais une mise en perspective de la logique déductive de Darwin. N'oublions pas que ce tome de la collection Que sais-je ? est classé d...

L'effet Darwin - Patrick Tort

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Parue en 1871, " La Filiation de l'Homme et la Sélection liée au sexe " est à la fois la convergence de la biologie l'évolution et de l'anthropologie, et l'œuvre majeure de Darwin la plus méconnue du grand public. Concluant pourtant dans cet ouvrage ce que " L'Origine des Espèces " n'osait aborder qu'à demi-mots, à savoir l'évolution de notre propre espèce, Darwin livre dans cet ouvrage tardif une pensée sociologique suffisamment mûre pour affirmer l'universalité 1 d'une théorie de la civilisation à laquelle adhère le genre humain. Et de montrer toute la dualité de notre espèce, chez qui la Civilisation est à la fois adaptation sélective naturelle tout autant qu'affranchissement à la Nature.  La "survie du plus apte" est donc dépassée dès lors que les caractères sociaux et civilisationnels ont été sélectionnés chez l'espèce humaine; il n'est plus question de parler de "loi du plus fort", de dom...