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[1834] Voguer jusqu'à l'archipel Chronos

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Dès lors que Darwin rembarque à bord du HMS Beagle , il prend part à l'exploration minutieuse des côtes insulaires au Sud de l'archipel de Chiloé. Mais avant cela le 8 décembre 1834, le Capitaine FitzRoy souhaite escalader le sommer de San Pedro, à l'extrémité méridionale de Chiloé. L'enchevêtrement de troncs d'arbres morts rend l'ascension très difficile. A tel point que la randonnée consiste plus à sauter d'un tronc pourrissant à l'autre qu'à marcher sur le sol forestier ! Une fois arrivés à la modeste altitude de 305 mètres, ils découvrent un sommet de Hêtre austral ( Nothofagus antarctica ) rabougris par les vents habituellement violents. Darwin suppose avoir atteint la limite septentrionale de la répartition de cette espèce, qui constitue le peuplement majoritaire des froides e humides forêts de Terre de Feu. Le 10 décembre 1834, M. Sulivan reprend la tête de la petite expédition en canots afin de parfaire les relevés cartographiques, une fois...

[1834] Coup fatal sur un Renard !

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Le 6 décembre 1834, le périple de Darwin et d'une partie de l'équipage du HMS Beagle à bord de canots s'achève. Les relevés cartographiques le long de la côte orientale de Chiloé sont maintenant corrigés, et il ne reste plus qu'à rejoindre le brick-sloop. Profitant d'un peu de temps libre, Darwin explore les rives de l'île de San Pedro. Lorsqu'il tombe sur un petit Canidé qu'il ne va pas manquer de collecter. Sauf que faute de fusil, notre jeune naturaliste improvise avec les moyens du bord. «  Nous atteignons dans la soirée l’île de San Pedro, où nous trouvons le Beagle à l’ancre. En doublant une pointe de l’île deux officiers débarquent pour relever quelques angles avec le théodolite. Un renard (Canis fulvipes), espèce particulière, dit-on, à cette île, où elle est même fort rare, et qui est nouvelle, était assis sur un rocher. Il était si absorbé dans la contemplation des deux officiers, que je pus m’approcher de lui et lui casser la tête avec mo...

Darwin et les fossiles : histoire d’une réconciliation

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Dès la première édition de l' Origine des Espèces (1859), Charles Darwin expose un paradoxe géologique. Si sa théorie de la sélection naturelle sous-entend la disparition des variétés les moins adaptées à leur conditions de vie, il a dû exister au fil des âges géologiques d'innombrables formes de transition. Ce procédé d'extermination a donc dû agir impitoyablement et à grande échelle, puisque Darwin remarque que nous ne trouvons aujourd'hui que très peu de formes de transition entre les espèces existantes. Alors, «  pourquoi donc alors chaque formation géologique, et même chaque couche stratifiée n'est-elle pas remplie de ces formes de transition ?  » s'interroge Darwin en mettant lui-même à mal sa propre théorie. «  Assurément la géologie ne nous révèle pas encore l'existence d'une chaîne organique aussi parfaitement graduée; et c'est en cela peut-être que consiste la plus sérieuse objection qu'on puisse faire à ma théorie  ». Darwin, qui s...

[1834] Excursion en canots sur la côte orientale de Chiloé (4/4)

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Le 2 décembre 1834, les marins du HMS Beagle continuent leur exploration de la côte orientale de Chiloé en canots. Après avoir dépassé l’extrémité Sud de l'île de Lemuy, ils poursuivent le lendemain leur périple sous un soleil radieux. Ça et là sur l'eau, un Marsouin jaillit des flots. Un Canard vapeur barbote paisiblement. Au loin, s'élèvent les cônes enneigés des volcans des Andes. Ce tableau idyllique est rompu les jours suivants par un vent violent soufflant en rafales. L'expédition atteint Punta de Chagua. La population est désormais beaucoup moins dense, c'est à peine s'ils découvrent des parcelles défrichées sur l'île de Tranqui. Pour changer, Darwin herborise un peu et découvre de beaux plans de Pangi, ou Gunnère ( Gunnera sp .). Cette rhubarbe géante est très prisée des habitants, qui consomment ses tiges acides et tirent de ses racines une teinture noire. Elles poussent notamment sur les falaises de grès tendre, face à la mer. Le 6 décembre ...

[1833] Les potins de Shrewsbury

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Pendant que Darwin parcourt le monde, la vie continue dans son Shropshire natal. Et comme dans toute bonne société qui se respecte, les potins vont bon train. Il se trouve que Darwin avait un faible pour ces histoires de voisinage ! Sa correspondance est remplie de référence aux gossips , ou racontars en anglais. Et pour lui fournir un compte-rendu détaillé des derniers commérages de Shrewsbury, sa sœur Caroline n'était pas en reste ! Prenons pour exemple la lettre du 1er septembre 1833 qu'elle adressa à son frère cadet. Au programme, quelques bulletins médicaux, une affaire de mœurs légères, et du croustillant sur l'ancien flirt de Darwin. Passons nous aussi en mode potins ! The Mount , demeure des Darwin à Shrewsbury (photo Wikimedia) Que peut bien raconter Caroline en cette fin d'été 1833 ? Tout d'abord que leur père se porte à merveille ! Ce qui constitue en soit une excellente entrée en matière à l'attention de son frère alors aux confins du Nouveau Mon...

[1834] Excursion en canots sur la côte orientale de Chiloé (3/4)

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Poursuivons le récit de l'exploration en canots de la côte orientale de Chiloé . Le 29 novembre 1834, la petite expédition atteint Castro, l'ancienne capitale de Chiloé. La cité, en partie abandonnée après le transfert administratif, présente un curieux aspect. La plaza est recouverte d'herbe que broutent des moutons. Une église jésuite en bois s'élève, tel un fantôme au-dessus des rues vidées de leurs habitants. Le Gouverneur local est un paysan du cru, vieil homme tranquille chargé de la troisième plus ancienne cité européenne du Chili. Fondée le 12 février 1576, la ville de Castro connut plusieurs malheurs au cours des siècles. En 1642, elle tombe temporairement sous la coupe du corsaire néerlandais Hendrik Brouwer. En 1767, elle perd son statut de capitale de Chiloé en faveur d'Ancud. En 1837, un tremblement de terre ravage la belle endormie. Ce n'est qu'après l'inauguration de la ligne de chemin de fer en 1912 que Castro connaît un nouvel essor....

Dans les pantoufles de Darwin

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Au terme d'un très long travail de recherche, l'éditeur académique Cambridge University Press a publié l'intégralité de la correspondance connue de de Darwin : soit 30 volumes pour un total de 15 000 lettres ! Cette ressource colossale disponible dans sa version numérique sur le Darwin Correspondence Project est une précieuse mine d'informations pour toute personne se penchant sérieusement sur la biographie de Darwin. Pour mon modeste travail de blogueur, j'y puise informations et anecdotes inestimables sur le Voyage à bord du HMS Beagle (1831 - 1836). Mais bien entendu, cette impressionnante collection aborde toutes les périodes de la vie de Darwin ! Pour autant, cette colossale correspondance est quasiment inconnue en France. Et pour cause, aucun projet d'édition française n'a mis en valeur jusqu'ici ces précieuses lettres. Que ce soit pour examen académique ou vulgarisation de l'histoire des sciences, nous autres lecteurs francophones devions n...

[1834] Quelques observations géologiques à Chiloé

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Durant l'expédition en canots de marins du HMS Beagle entre novembre et décembre 1834 sur la côte orientale de l'archipel de Chiloé, Darwin eut de nombreuses occasions de géologiser. Toutes ses observations apparaissent bien entendu dans ses Notes Géologiques , précieux carnets de terrain qui lui servirent de matériel brut pour la rédaction postérieure de ses ouvrages de géologie. Plongeons-nous le temps d'un article sur les principales observations géologiques de notre jeune naturaliste au cours de cette excursion nautique. Dès juillet 1834 et son premier séjour à Chiloé, Darwin notait déjà plusieurs observations intéressantes. Autour d'Ancud (San Carlos), il remarquait la nature volcanique des affleurements rocheux. La rétinite, une roche volcanique vitreuse de la famille des rhyolites, et d'aspect proche de l'obsidienne, prédomine aux alentours. Il notait aussi la présence de basalte, ainsi que du wacke, roche sédimentaire détritique d'origine marine. C...

[1834] Excursion en canots sur la côte orientale de Chiloé (2/4)

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Le 25 novembre, les deux embarcations poursuivent leur périple sous des torrents de pluie. La descente jusqu'à l'île Huapi-lenu demeure assez décevante pour Darwin, qui se lasse de ce paysage de plaine coupée par des vallées et bordée d'îlots. Depuis la mer, la côte orientale de Chiloé apparaît comme une immense forêt vierge et impénétrable. Nous sommes en plein cœur de l'écorégion des forêts tempérées valdiviennes, qui se caractérisent par un très fort taux d'espèces endémiques, pour certaines héritières de la biodiversité de l'ancien supercontinent du Gondwana. C'est dans ces forêts primaires que Darwin découvrit le cyprès de Patagonie ou Alerce, Fitzroya cupressoides , baptisé en hommage au Capitaine FitzRoy. Le périple se poursuit le 26 novembre 1834. Depuis leurs embarcations, les marins britanniques ont une vue splendide sur le volcan Osorno. Ce magnifique stratovolcan conique culmine à 2652 mètres d'altitude sur la rive continentale, au Nord-Est...

[1834] Excursion en canots sur la côte orientale de Chiloé (1/4)

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Le 10 novembre 1834, le HMS Beagle fait voile vers l'île de Chiloé. Il atteint sa destination le 21 novembre. Ce retour à San Carlos s'annonce sans surprises : le temps est plutôt plaisant, ensoleillé même, avant que la pluie ne revienne dans la nuit. Les torrents d'eau et les bourrasques de vent sont un pénible rappel de la rude hospitalité de cette île de la Patagonie chilienne. Le capitaine FitzRoy est retourné sur ses pas afin d'améliorer la cartographie de l'île. Aussi le 24 novembre, la yole et une baleinière sont mises à l'eau sous le commandement de M. Sulivan. Elles vont naviguer jusqu'à la côte orientale de Chiloé et vérifier les précédents relevés cartographiques. Puis, à l'extrémité Sud de l'île de San Pedro (pointe Sud-Est de Chiloé), les deux embarcations retrouveront le Beagle . Darwin accompagne l'expédition, mais rejoint les embarcations au soir du premier jour de périple après avoir chevauché jusqu'à Chacao. La route n...

[1834] Crise de nerfs à bord du HMS Beagle

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Le 10 novembre 1834, le HMS Beagle fait voile vers Chiloé. Le capitaine FitzRoy a accepté de retarder le départ prévu en octobre pendant que Darwin était en convalescence chez M. Corfield à Valparaiso . «  J'y gardai le lit jusqu'à la fin octobre. Ce fut une sérieuse perte de temps car j'avais espéré collecter de nombreux animaux. Très obligeamment, le Capitaine FitzRoy retarda le départ du Navire jusqu'au 10 novembre, date à laquelle je fus tout à fait rétabli  » Charles Darwin, Journal de Bord. Il s'agit vraisemblablement de la première crise majeure de la maladie qui l'affecta tout au long de sa vie . Lorsqu'il rembarque à bord, notre jeune homme fraîchement remis sur pied découvre quelques changements dans l'organisation de l'expédition. Premièrement, l' Adventure a été vendu. Et deuxièmement, le retour de M. Wickham et de son équipage entraîne un tel manque de place que M. Martens, l'artiste à bord, a dû quitter le Beagle . Mais Dar...

[1833] A la pêche aux Daphnies

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En ce mois de juillet 1833, Darwin est toujours à Maldonado, en Uruguay. Pendant que l'équipage du HMS Beagle est occupé aux travaux de rénovation de la Goélette l' Unicorn que le capitaine FitzRoy a acheté quelques semaines auparavant, notre jeune naturaliste parcourt la région à la recherche de spécimens à étudier. Renouant avec sa passion adolescente pour la biologie marine, il rejoint l'estran de l'île de Gorriti face à Maldonado afin d'étudier l'écosystème qu'accueille ses rives saumâtres. Parmi des touffes algues vertes dont les échantillons ne se sont malheureusement pas correctement conservés pour être herborisés, Darwin recueille de minuscules Crustacés : des Branchiopodes et des Ostracodes. Notre jeune homme s'intéresse alors plus particulièrement aux représentants du premier taxon : des Daphnies en grand nombre sur les filaments d'algues vertes. Il en conserva quelques spécimens dans de l'alcool (collection n° 727). A bord du Beagl...

[1833] Les tubes de foudre de Darwin

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La lecture des Zoology Notes de Charles Darwin peut se révéler des plus surprenantes; comme lors de son séjour à Maldonado en juin1833 et ses investigations des dunes de sable de la lagune del Portrero. Voici qu'il décrit, avec minutie, un phénomène géologique et météorologique entre deux observations zoologiques ! Mais quelle découverte a pu marquer son esprit au point de mélanger les entrées dans ses carnets de terrain ? Il s'agit de fulgurites, aussi appelés "tubes de foudre", que Darwin eut tôt fait ici de ne pas confondre avec des traces fossilisées de racines végétales ou l’œuvre d'un quelconque ver marin. Au cours de sa découverte, Darwin décrit avec précision ces formations minérales. Il remarque d'abord des fragments amorphes sur le sable, et comprend rapidement qu'il s'agit de tubes siliceux mis à nu par le mouvement naturel des dunes côtières. Puis, trouvant d'autres concrétions similaires encore cachées dans le sable, il prend soin d...

Robert FitzRoy, icône créationniste ?

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Personnage ombrageux, mais marin d'exception et scientifique visionnaire, Robert FitzRoy était aussi un fervent chrétien. Ses opinions religieuses n'ayant eu de cesse de diverger de celles de Darwin au cours de sa vie, le destin des deux hommes est souvent comparé. Le célèbre Capitaine du HMS Beagle , d'un esprit croyant mais sceptique avant le second Voyage du HMS Beagle , adopta un chrétien radical et même un fervent adversaire de l' Origine des Espèces  ! Sa foi très orthodoxe ne manqua pas d'interpeller les auteurs créationnistes, qui ont cru voir en FitzRoy une figure contrebalançant l'athéisme matérialiste de Darwin. Mais FitzRoy est-il vraiment ce « chevalier blanc » pourfendeur du darwinisme que ces auteurs nous présentent ? Dans cet article, je vous propose de revenir aux origines du radicalisme religieux de FitzRoy, avant de comparer sa démarche intellectuelle à celle de Darwin. Nous pourrons ainsi répondre à la question qui nous intéresse ici : Robert...