[1835] Darwin et l'Empire Inca

En bon explorateur de la Cordillère des Andes, Charles Darwin s'intéressa aux ruines d'une des civilisations les plus connues d'Amérique méridionale, l'Empire Inca. Notre jeune naturaliste n'était pas un archéologue, il est vrai. Il demeure cependant une vive curiosité de sa part, et quelques descriptions nous permettant de mieux apprécier l'état des ruines en ce début du XIXème siècle.

Nous ne ferons pas ici de résumé de l'histoire mouvementée de la civilisation Inca, depuis son émergence régionale jusqu'à son anéantissement définitif en 1572. Considérons qu'à l'époque du voyage du HMS Beagle autour du monde, trois siècles s'étaient déjà écoulés entre la chute de l'empereur Atahualpa et le Journal de Bord de Darwin. Le brutal abandon des infrastructures incas eut tôt fait d'accélérer la détérioration des édifices. Cependant, notre jeune explorateur eut à cœur de nous relater ses plus belles découvertes. Reprenons ensemble son « Voyage d'un naturaliste autour du Monde » (1839) afin de recenser les principaux sites incas dont il dressa une description.

Le 4 avril 1835, alors qu'il marche entre le rio de Las Vacas et la Puente del Incas, lui et ses compagnons bivouaquent près d'un pont de roches sédimentaires. « En partie éboulé, l'édifice fait pâle figure. En résumé, le pont des Incas n'est en aucune façon digne des grands monarques dont il porte le nom ». Notre jeune naturaliste se concentre en vérité plutôt sur la nature des roches de l'ouvrage. Mais faut-il pour autant en conclure que l'archéologie n'intéresse guère Darwin ? Rien n'est plus faux !

Le 26 juin 1835, Darwin croise les ruines d'un tambo inca. Il s'agit d'un édifice typique de l'administration inca, point fortifié servant de relais, de point de ravitaillement et d'hébergement pour les émissaires impériaux. Les bâtiments, entretenus par les peuples locaux soumis, contenaient des archives comptables. Il s'agissait bien de nœuds administratifs du maillage impérialiste sur le territoire inca. Darwin, qui n'est pas vraiment au fait de l'organisation de l'empire inca, croit que le terme de tambo correspond au nom de ces ruines. « J’ai vu des ruines indiennes dans plusieurs parties de la Cordillère ; les plus parfaites que j’aie pu visiter sont les Ruinas de Tambillos, dans la passe d’Uspallata ». Cependant, il s'attache à en dresser une description précise. « Ce sont de petites chambres carrées réunies en groupes séparés les uns des autres. Le porche de ces chambres est encore debout en quelques endroits ; il est formé par deux montants en pierre ayant environ 3 pieds de haut et réunis au sommet par une dalle ».

L'abandon brutal de ces édifices est presque paradoxal à la lecture de Darwin : « S’il faut en croire la tradition, elles avaient été construites pour servir de lieu de repos aux Incas quand ils traversaient les montagnes ». Alors pourquoi les abandonner ? Il semblerait que les peuples soumis par l'empire inca se soient très vite affranchis de leurs devoirs, une fois l'empire vaincu par les Conquistadores. Aussi, les fameux tambos furent abandonnés, et leurs bâtiments ruinés. Comble de malheur, Darwin n'est même pas capable de correctement relier ce tambo aux incas, et le présente comme une « ruine indienne » ! Certes l'archéologie des peuples autochtones était une discipline quasiment inexistante en 1835. Peut-être que si notre jeune naturaliste avait été plus porté sur les sciences humaines, ce colossal retard eut été comblé bien assez vite.


Représentation d'un tambo durant l'empire inca


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