[1835] Les choix naturalistes de Darwin
A la lecture des notes de terrain de Darwin au cours de son Voyage autour du Monde, le lecteur est aisément frappé par le faible nombre de données zoologiques pour l'année 1835. Curieux constat, puisqu'en septembre de la même année, Darwin séjournera aux Galapagos ! Est-ce à dire qu'il s'accorda du répit pendant tout ce temps ? Non, bien-sûr. A ce constat bibliographique, deux explications sont possibles. la nature des milieux parcourus, tout d'abord, mais surtout des choix naturalistes justifiés par les intérêts spécifiques du jeune homme au cours du Voyage.
Naturaliste à bord du HMS Beagle, le jeune Charles Darwin porte une bien lourde charge sur ses épaules. Il doit rendre compte, sur la base de ses observations terrain, des relevés naturalistes effectués par l'expédition durant le Voyage (1831 - 1836). La mission du Capitaine FitzRoy est avant tout cartographique, si l'on exclut son initiative privée de rapatrier des otages fuégiens et d'établir un missionnaire en Terre de Feu. Les sciences naturelles sont, comme pour les missions d'exploration de la Royal Navy à cette époque, consignées au même titre que les entrées du Journal de Bord du navire : des opérations presque ordinaires, qu'il faut tout autant effectuer régulièrement.
Mais alors, si les sciences naturelles demeurent une des missions de base de toute expédition d'exploration de la Royal Navy, aucune branche de cette discipline ne devrait être négligée sur le terrain ! Il est vrai. Cependant, même si en ce début du XIXème siècle, un naturaliste jouit encore d'un très large spectre de compétences, il reste limité par deux contraintes sur le terrain : le milieu exploré et ses propres centres d'intérêt. Et le jeune Darwin n'échappe pas à ce constat ! Car tout admirateur du grand Humboldt soit-il, notre cher Charles ne peut se prévaloir "d'omniscience scientifique" (pour l'époque !).
Première contrainte, donc, le milieu parcouru. Durant le premier semestre 1835, Darwin parcourt des écosystèmes relativement pauvres : vallées arides, terres patagonnes, chaînes de montagnes. La biodiversité spécifique de ces milieux n'égale pas la luxuriance des milieux tropicaux ou semi-tropicaux de la côte orientale sud-américaine. Darwin n'est pas non plus en capacité d'effectuer des identifications complètes de chaque groupe taxonomique présent sur ces écosystèmes qu'il traverse plus qu'il n'étudie minutieusement. Aussi reste-t-il très fragmentaire sur ses collections durant ces longs mois chiliens.
Seconde contrainte, les centres d'intérêt de Darwin, stimulés par l'itinéraire chilien. L'occasion fait le larron, nous dit le proverbe. Et Darwin n'y échappe pas ! Sa formation académique le destinait certes à une carrière ecclésiastique. Cependant, elle comprenait une solide formation en géologie de terrain. Compétence fort pertinente lorsqu'on traverse à plusieurs reprises la Cordillère des Andes ! Or le jeune homme fut particulièrement chanceux au cours de ses séjours chiliens. Non seulement il est témoin de plusieurs tremblements de terre, mais il découvre une multitude de gisements paléontologiques et affleurements géologiques d'importance ! Notre jeune naturaliste, alors en pleine lecture des Principes de Géologie de Lyell, trouve au Chili un immense terrain de prospection quasiment vierge de toute recherche scientifique.
Il n'en fallait pas plus à notre cher Darwin pour qu'il concentre alors ses investigations sur la géologie. Le fruit de son travail de terrain fut bien entendu largement récompensé, puisqu'il publia dans ses Geological observations on South America (1846) plusieurs transects géologiques longitudinaux de la Cordillère des Andes. De précieuses données en ce milieu de XIXème siècle pour la communauté scientifique. Et voilà comment Darwin, au cours de ces mois passés dans les Andes, se concentra autant sur les sciences géologiques, délaissant "pour la bonne cause" la zoologie chilienne !
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