[1835] Excursion dans la Cordillère des Andes (3/3)

Dans le précédent billet, nous avions abordé l'arrivée de Darwin à Mendoza en Argentine, et le début de son voyage retour jusqu'à Valparaiso, Chili. Dans son « Voyage d'un Naturaliste autour du Monde », il souligne à nouveau sa désillusion devant la fameuse Villa Vicencio. Puis au 30 mars 1835, il abonde plus en détails sur la géologie remarquable des alentours des chaînes du Portillo et d'Uspallata. La présence de diverses laves sous-marines, alternant avec des grès et autres dépôts sédimentaires, ne peut que le conforter une fois de plus dans son hypothèse d'un soulèvement progressif du continent sud-américain. Inutile de préciser qu'après les nombreux fossiles de coquillages collectés en altitude lors du voyage aller, il s'agit de la seconde excellente nouvelle géologique de l'excursion !

Darwin identifie aussi avec raison des troncs d'arbres fossiles, qu'il fait identifier à son retour de Voyage auprès de M. Robert Brown comme appartenant à la famille des Araucariées. Ce bois pétrifié dans le grès sont la preuve encore plus ancienne, selon lui, que le même continent fut dans un premier temps englouti ! N'oublions pas que pour l'époque, il n'existe aucune explication tectonique de la surface terrestre. Au 1er avril, le petit groupe traverse le sommet de la chaîne d'Uspallata. Il est fort probable qu'ils soient passés de nuit par le col frontalier de la Cumbre, rendu célèbre depuis 1904 pour sa monumentale statue du Christ rédempteur des Andes censée sceller l'amitié entre l'Argentine et le Chili. Mais en 1835, mis à part une cabane de douaniers, rien d'autre à signaler. Comme nous l'avions abordé la dernière fois, Darwin en profite pour admirer la géologie des lieux, des couches sédimentaires multicolores alternant avec des bandes de laves.


Col de la Cumbre, que Darwin franchit probablement début avril 1835.


Du 2 au 4 avril 1835, l'expédition chemine par les cols de montagne jusqu'au rio de Las Vacas, puis bifurque en direction du Puente del Incas. Ils bivouaquent sur place, autant en raison du pâturage pour les mules que pour effectuer des relevés géologiques. La région abonde de grottes et de sources hydrothermales, Darwin ne manque pas d'étudier les dépôts stalactites et stalagmites laissés par ces eaux riches en solutions ioniques. Le pont en lui-même est en piteux état selon lui, et ne rend guère hommage à la civilisation dont il porte le nom. Au 5 avril, c'est une longue étape à travers la chaîne centrale. Sur leur chemin, ils croisent des Casuchas, petites tours espagnoles autrefois utilisées pour surveiller les lieux. Le 6 avril, un larcin désoblige le petit groupe, on a volé une de leurs mules et sa clochette censée guider le troupeau ! Le muletier et les guides consacrent une bonne partie de la journée à tenter de retrouver le voleur. En vain.

Au 8 avril, enfin, retour auprès de la civilisation. Il était temps pour Darwin, qui rêve d'un bon feu et d'un bon souper ! Rappelons que la saison est encore froide, et qu'en altitude, chaleur et fraîcheur se succèdent avec mordant. Le soir, pour son plus grand bonheur, ils arrivent à un cottage près de la villa de Saint-Rosa. Puis enfin le 10 avril, ils arrivent à Santiago. Darwin retourne séjourner chez M. Caldeleugh. Son excursion a duré 24 jours, et notre jeune naturaliste en garde un excellent souvenir. Enfin, départ le 15 avril pour Valparaiso, Darwin y retrouve le 17 avril la maison de son compatriote, M. Corfield. Le 23 avril, le HMS Beagle se présente devant le port. Parfait timing pour Darwin qui retrouve sa cabine de la dunette arrière le jour même. Le relevé des côtes étant achevé au Sud de Valparaiso, le brick-sloop va désormais faire voile en direction de Coquimbo. D'ici quelques semaines, Darwin entamera un second périple dans la Cordillère des Andes. Mais ce sera une autre aventure !

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