[1832] La Mutine du Lady Shore et le Naturaliste

Le 9 novembre 1832, Charles Darwin et le capitaine FitzRoy ont une visite plutôt originale à l'heure du thé puisqu'ils rencontrent Donna Clara, une riche veuve d'origine britannique. Qu'il y a-t-il de si original, me direz-vous ? Hé bien cette respectable veuve était autrefois dénommée Mrs Clarke ; une criminelle anglaise condamnée à l'exil sur la colonie pénitentiaire à Botany Bay, en Australie. Mais la jeune femme n'entendait pas se laisser faire, et se mutina pour reprendre son destin en main !

Mrs Clarke faisait partie des 66 femmes condamnées à l'exil et expédiées en 1797 avec 119 autres prisonniers à bord du Lady Shore, un navire marchand spécialement affrété pour l'occasion. Pas moins de 58 soldats du New South Wales Corps surveillaient les prisonniers durant le voyage. Mais rapidement, ces derniers conçoivent le projet de se mutiner pour échapper à leur sort. Les mutins parviennent à prendre le contrôle du navire et Mrs Clarke se vente d'avoir elle-même tué le capitaine. Nos révoltés du Lady Shore font ensuite voile vers Montevideo.

Les meneurs de la mutinerie sont des prisonniers français, qui élisent un Capitaine et un Lieutenant, et hissent les couleurs de la Révolution sur le navire capturé. Leur arrivée à Montevideo, en pleine Vice-Royauté espagnole du Rio de la Plata, provoque forcément un certain tapage ! Les autorités locales arrêtent les meneurs. Mais l'ambassadeur français parvient à intercéder en leur faveur, et les espagnols finiront même par reconnaître (non sans la pression dissuasive sur place de trois frégates !) le Lady Shore comme prise de guerre.

Quant aux prisonnières à bord, cinquante d'entre-elles seront débarquées à Rio de Janeiro. C'est là que Mrs Clarke quitte le navire et décide de changer de vie. Elle épouse un riche propriétaire et mène une existence respectable - sans que jamais son passé de mutine ne vienne ternir sa réputation ! La vieille mutine et le jeune naturaliste, voilà bien une rencontre étonnante à l'heure du thé. Mais notre chère veuve n'a en rien perdu de son caractère. Elle n'a de cesse de critiquer la société argentine, et n'a pas sa langue dans sa poche. Un « Je les pendrais tous, Monsieur » ponctue chacune de ses remarques désobligeantes. Quel personnage !




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