[1835] L'Urubu à tête rouge

Le 13 juillet 1835, alors que Darwin se trouve à Iquique, le voilà parti en fin de matinée en direction d'une usine de salpêtre située à 67 km de la ville. Le sentier sablonneux en lacets qui s'enfonce dans les montagnes côtières est particulièrement aride. Il traverse des étendues accidentées, désertées, ne croisant que deux villages perchés sur leurs collines décharnées. Comme si cela ne suffisait pas au tableau, le chemin est jonché des carcasses desséchées de mules et de baudets. Le charnier attire une belle population d'Urubus à tête rouge, que Darwin nomme de son autre nom vernaculaire, le Vautour aura (Cathartes aura).



Un urubu à tête rouge en vol à Cuba. Photo : Charles J. Sharp (Wikipedia)


Dans son Voyage d'un Naturaliste autour du Monde (1839), Darwin consacre une page entière à ces fameux Urubus à tête rouge, dont la silhouette nous est particulièrement familière puisqu'il inspira le vautour des bandes dessinées et cartoons. Plus qu'une icône, ce charognard quasi-exclusif et particulièrement glouton à la curée a connu une hausse de ses populations suite à la colonisation européenne. En effet, l'introduction d'animaux domestiques (bovins, ovins, équidés …) augmenta ses ressources alimentaires de manière providentielle, et la colonisation des terres multiplia son aire de distribution. Aujourd'hui, il est possible d'observer ces grands rapaces depuis le Québec jusqu'en Terre de Feu !

Au cours de son séjour péruvien, ce n'est pas la première fois que Darwin observe des Urubus à tête rouge. Nous avions déjà eu occasion de mentionner l'espèce à Chiloé, dans les Malouines et dans l'archipel Chonos. Le charognard est alors décrit par Darwin comme un rapace solitaire, parfois en couples. Une description qui tranche avec son comportement social et les impressionnants dortoirs photographiés par les ornithologues modernes. Faut-il y voir le témoignage d'une hausse progressive de ses effectifs depuis le voyage de Darwin ? Possible, au vu des informations citées précédemment. La présence croissante de charognards ne manque pas d'alarmer les éleveurs, qui déjà voyaient d'un mauvais œil les curées sur leurs bêtes mortes ou agonisantes. Une défiance qui perdure aujourd'hui. Accusé de véhiculer des pathogènes, souvent confondu avec l'Urubu noir (Coragyps atratus) qui prédate les veaux nouveaux-nés, l'Urubu à tête rouge est un oiseau persécuté. Ce qui lui a valu un statut d'espèce protégée dans différents pays d'Amérique.

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