[1834] Le HMS Beagle échoué pour carénage
Comment réparer une avarie alors que vous naviguez au large de la Patagonie ? La question peut sembler saugrenue de nos jours, alors que les côtes argentines et chiliennes abritent diverses installations portuaires. Mais en ce début de XIXème siècle, la plupart des établissements contemporains n'étaient même pas encore fondés ! En conséquence, n'espérez pas profiter d'un port pour mettre en cale sèche votre navire ! Il vous faut improviser, non sans dangers, en échouant volontairement votre navire sur une grève à marée basse. Un projet insensé, me direz-vous ? C'est pourtant l'exploit que réalisa l'équipage du HMS Beagle en avril 1834 !
Gravures de C. Martens. In : Narratives, FitzRoy (1839). |
Mais revenons aux faits. Pourquoi vouloir examiner la coque du brick-sloop en cale sèche ? Parce que le bâtiment a heurté un récif en début d'année :
« En quittant Port Désiré, le Beagle heurta violemment son pied avant contre un rocher, ce qui le secoua d'avant en arrière ; mais il continua sa route avec la marée, et comme il ne faisait pas d'eau, je ne crus pas qu'il valait la peine de rentrer au port. Je fus immédiatement convaincu que nous avions heurté le rocher même sur lequel le Beagle avait heurté en 1829, dans la nuit – un danger que nous n'avons plus jamais rencontré jusqu'à ce jour, alors que je sortais, assez imprudemment, avec le dernier quart de marée » FitzRoy, Narratives.
Vérifier l'état de la coque et réparer les éventuelles avaries s'avère donc indispensable avant de poursuivre le voyage. Souvenez-vous, en ce mois d'avril 1834, le capitaine FitzRoy souhaite emprunter le Détroit de Magellan et voguer d'ici la fin de l'année dans les eaux du Pacifique. Mais avant d'entamer cette nouvelle étape du Voyage du Beagle, il lui faut impérativement s'assurer du bon état de la coque de son navire !
Dans son Journal de Bord, Charles Darwin décrit succinctement les réparations faites sur une grève de l'embouchure du Rio Santa Cruz : « On a échoué le navire et découvert que sur plusieurs pieds sa fausse quille avait été arrachée, mais ce n'est pas une avarie très grave. Il a suffi d'une marée pour la réparer et on m'a remis à flot l'après-midi puis amarré en sécurité » Charles Darwin, Journal de Bord. Nous apprenons également sous la plume du jeune naturaliste que pour procéder à l'opération, il fallait alléger le navire. Les canons et les ancres furent ainsi débarqués à terre le temps de l'opération. Le Capitaine FitzRoy, quant à lui, revient plus en détails sur les réparations dans ses Narratives :
« Le 13, nous avons jeté l'ancre à l'embouchure du Santa Cruz et nous nous sommes immédiatement préparés à poser notre navire à terre pour la marée, afin de déterminer l'ampleur des dégâts causés par le rocher à Port Désiré, et d'examiner le cuivre avant son utilisation dans l'océan Pacifique, où les vers rongent rapidement les planches non protégées. (16 avril) Sur la plage, à un endroit que nous avons appelé plus tard Keel Point, nous avons découvert qu'un morceau de la fausse quille sous le « pied avant » avait été arraché et que quelques feuilles de cuivre étaient fortement frottées. Grâce aux efforts de M. May, tout a été réparé en une seule marée et le lendemain, nous faisions des préparatifs pour une excursion sur la rivière » FitzRoy, Narratives.
M. May est un des aides-charpentiers de l'équipage du HMS Beagle. Son nom figure dans le rôle des quarts de 1832. La performance de ce marin illustre tout le talent des artisans de la Royal Navy embarqués à bord des navires de Sa Majesté. Hélas, nous n'avons guère d'autres informations sur cette impressionnante réparation de fortune, cependant suffisamment spectaculaire d'après les critères des marins de l'époque pour qu'elle soit représentée en gravure dans les Narratives de FitzRoy.
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