[1834] Voguer de Puerto Deseado jusqu'à Puerto San Julian

Le 4 janvier 1834, l'Adventure n'est toujours pas prête à prendre la mer. Sa voilure nécessite encore quelques travaux. Aussi le capitaine FitzRoy décide-t-il de poursuivre la cartographie des côtes de Patagonie pendant ce temps. Cap est mis vers Puerto San Julian, à 204 km plus au Sud. Le voyage commence bien, jusqu'à ce que le HMS Beagle cogne contre un récif. Heureusement, plus de peur que de mal. Mais le capitaine rapporte qu'au même endroit il y a cinq ans de cela, le Beagle avait connu la même mésaventure. Voilà bien la preuve que ces côtes sauvages ont besoin d'un travail cartographique !

Le soir, le Beagle mouille au large de la côte. Puis le lendemain, il poursuit sa route en longeant les terres par le Sud-Ouest. Régulièrement, il effectue des relevés cartographiques, lorsqu'il ne reste pas prudemment au large. Les rochers et brisants sont nombreux dans ces eaux incertaines. Darwin est frappé par l'aspect fortement découpé de la côte. Tout le plateau semble comme surélevé au-dessus du niveau des eaux. Seules quelques grandes vallées brisent ce relief. Alors que le Beagle mouille devant la baie de Puerto San Julian, on débarque Darwin à terre. Il en profite pour continuer ses relevés géologiques.

Enfin, le 9 janvier 1834, le Beagle fait son entrée dans le port. N'imaginez cependant pas une ville comme il en existe aujourd'hui, la baie forme un lieu de mouillage idéal qui est alors déserté de toute trace de civilisation. Il y eut bien une colonie appelée Floridablanca en 1780, mais ses 150 colons abandonnèrent les lieux quatre ans plus tard après avoir été décimés par le scorbut. La ville actuelle ne fut fondée qu'en 1902 ! Les lieux ont été les témoins de tristes événements maritimes. C'est ici qu'en 1520, Magellan fut confronté à la mutinerie des capitaines espagnols de sa flotte. Il parvint à reprendre le contrôle, fit exécuter les mutins et abandonna un capitaine sur place. Cinquante ans plus tard, le navigateur Francis Drake y fit escale lors de sa circumnavigation. Là aussi, la flotte règle un cas de mutinerie en décapitant le leader, Thomas Doughty.

Heureusement pour le HMS Beagle, aucune mutinerie ni cas de scorbut ne vient entacher le séjour du brick-sloop dans la baie de San Julian. Bien au contraire, il y trouve de nouveaux dépôts sédimentaires marins bien au-delà de l'estran côtier. Les fossiles d'invertébrés qui s'y sont accumulés lui permettre de formuler à nouveau dans ses Geology Notes l'hypothèse d'une élévation du plateau terrestre. Ne perdons pas de vue que cette hypothèse d'un soulèvement du continent sud-américain demeura par la suite une contribution majeure de Darwin à la géologie. Même si de nos jours, le scénario de la mer Paranaense durant le Cénozoïque s'explique bien entendu grâce aux éléments de paléoclimatologie !


Trajet du HMS Beagle entre le 4 janvier et le 9 janvier 1834. Réalisation QGIS / OpenStreetMap


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