[1834] Charles Darwin, aventurier de l'extrême

Durant le Voyage du Beagle autour du Monde, les aventures de Darwin n'eurent rien à envier aux exploits du célèbre Mike Horn ! Et si j'exagère un tant soit peu avec cette introduction, les lecteurs de ce blog se souviendront de la précédente mésaventure de Darwin et d'une partie de l'équipage à Bahia Blanca ! En ce début du mois de janvier 1834, le canot parti explorer les côtes de Puerto Deseado va connaître un revers de fortune durant lequel notre jeune naturaliste va s'illustrer !

Le 10 janvier 1834, alors que le canot atteint l'extrémité de la baie jusqu'à San Julian, il s'échoue sur un banc de sable. Voilà Darwin et les marins contraints de patauger dans l'eau et la boue pendant un demi-mille tout le reste de la journée pour se sortir de ce guêpier ! Ce n'est que tard dans la nuit, transis de froid, qu'ils regagnent enfin le HMS Beagle. Dans l'obscurité, la silhouette d'une baleinière française les intrigue. Le navire a bravé les dangereux hauts-fonts de la baie afin de poursuivre sa rude tâche. Et si aujourd'hui nous portons un regard acerbe sur ces équipages qui décimèrent littéralement les populations de Cétacés Mysticètes, Darwin ne peut s'empêcher de noter la rudesse de ce métier déjà à l'époque subventionné par l'état : « Le Gouvernement français offre de grosses primes à tous les Baleiniers, pour encourager, je suppose, une race de bons marins ; mais d'après ce que nous avons vu, la tâche sera rude ». Charles Darwin, Journal de Bord.

Le lendemain 11 janvier 1834, le Capitaine FitzRoy repart en compagnie de Darwin jusqu'à l'extrémité de la baie. Mais les conditions météorologiques se gâtent lorsqu'un vent violent se lève sur le rivage ! Aussi le Capitaine décide de débarquer, avec quatre hommes armés pour les accompagner. La marche s'annonce éprouvante, au point que deux marins tombent d'épuisement au soir. Il leur faut de l'eau, s'ils ne veulent pas se retrouver sévèrement déshydratés. Alors qu'ils parcourent ce rivage aride, un lac se profile à l'horizon. Darwin et un marin se portent volontaires pour y chercher de l'eau. mais une fois arrivés sur place, ils découvrent avec horreur que le reflet argenté d'un champ de sel les a induits en erreur !

Afin de ce sortir de ce mauvais pas, les marins récupèrent du bois flotté et allument un grand feu pour indiquer leur position. Les hommes encore valides repartent en canot pour organiser les secours depuis le HMS Beagle. L'anecdote est même rapportée dans les Narratives du Capitaine FitzRoy. Il faut d'ailleurs souligner à quel point le commandant du HMS Beagle dresse un portrait élogieux du jeune Charles durant cette journée ! FitzRoy, de son côté, était resté en arrière sur le haut de la colline (Thirsty Hill) depuis laquelle ils avaient repéré cette lentille de sel. Durant toute la journée, il avait porté divers instruments et un lourd fusil à double canon. Nul doute que le sacrifice de Darwin pour atteindre ce présumé lac eut un effet positif sur sa réputation auprès de l'équipage. Au fil de ces années de voyage, le jeune bourgeois reclus dans la cabine de la dunette devint certainement un membre d'équipage à part entière aux yeux des marins embarqués avec lui.


Port Desire (Puerto Deseado), croquis de Conrad Martens, 29 décembre 1833.


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