Darwin et l'Orientalisme

Le 16 juin 1832, visite de la la cascade de Taunay. « Sur la route, le paysage était très beau ; surtout la vue lointaine de Rio. En tant que sultan dans un sérail, je m'endurcis à la beauté » Charles Darwin, Journal de Bord. La métaphore du sérail fait écho à l'orientalisme, mouvement littéraire et artistique né un siècle plus tôt en Europe. Ou pour être précis, il est possible que Darwin fasse ici allusion à une image populaire mais fantasmée du haremlik ottoman.

La fascination pour l'Empire Ottoman remonte bien avant XVIIIème siècle. Cependant, les fameuses "turqueries" apparaissent au sein de l'élite intellectuelle occidentale durant le siècle des Lumières. L'attrait pour l'orientalisme se renforce au cours du XIXème. Elle puise notamment son inspiration dans l'expédition napoléonienne en Egypte, la guerre d'indépendance grecque, ou plus largement la colonisation européenne du Maghreb et du Moyen-Orient.

Les lois ottomanes interdisaient d'asservir des musulmans, aussi les femmes des haremliks provenaient de Nubie, du Caucase ou encore de Russie. L'évocation de femmes blanches lascives captives du Sultan demeurait un thème puissamment érotique pour les contemporains de Darwin. Aussi l'imagerie populaire occidentale eut vite fait de considérer harem ottoman un "lupanar des temps modernes". Erreur assez grossière et réductrice. Mais que le haremlik joue des rôles politiques et sociaux complexes au fil des siècles n'intéressait pas vraiment les artistes occidentaux.

A l'époque de Darwin, quelques grandes toiles orientalistes existent déjà, comme "La Grande Odalisque" de Jean Auguste Dominique Ingres (1814). Les scènes de harems étaient fréquentes dans les "turqueries" de l'époque. Quelles œuvres en particulier influencèrent l'imaginaire du jeune Darwin ? Difficile à dire. Il est cependant probable que notre jeune homme ait admiré des tableaux orientalistes de nus féminins dans les galeries d'art de son époque. En tant que jeune homme, ces images érotiques ne pouvaient qu'enflammer son imagination. Il n'en demeure pas moins que si Darwin était certainement sensible aux charmes de la gente féminine, son attrait premier demeurait le naturalisme, et non les jupons. Interprétons donc cette entrée de son Journal de Bord comme une simple influence culturelle de son époque.

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