[1832] Quelques nouvelles de la Réforme

Le 29 juin 1832, Darwin nous livre quelques commentaires politiques issues du courrier qu'il reçoit par Paquebot à Rio de Janeiro. Les nouvelles, qui datent pour les plus récentes du 20 mai dernier, relatent alors la question de la Réforme. « L'éloignement dans le temps et dans l'espace éteint le vif intérêt que je portais à la Politique et aux journaux » commente-t-il dans son Journal de Bord. Pour autant, attardons-nous quelques instants sur cet événement, car il place aussi le Voyage de Darwin dans son contexte politique contemporain.

Cet épisode politique du XIXème siècle visant à changer certaines aberrations du système électoral anglais nous est mal connu en France. Pourtant, ce fut une avancée significative dans la démocratie anglaise. Mais qu'en est-il plus exactement ? La polémique éclate au cours du XVIIIème siècle, alors que le découpage électoral en "comptés" ruraux et "bourgs" urbains datant du XVIIème siècle est désormais dépassé par la réalité démographique. De plus, certains "bourgs pourris" qui comptent moins de 10 électeurs sont achetés au vu et au su de tout le monde pour les remporter frauduleusement !

Les élites terriennes traditionnelles dominent alors les villes industrielles, très largement sous-représentées parmi le nombre d'électeurs inférieur à un demi-million. Les nouvelles couches bourgeoises, d'abord seules à réclamer une réforme du système, sont rejointes après Waterloo et la fin des Guerres Napoléoniennes par les couches prolétaires. Avec le vent progressiste qui souffle sur l'Europe au lendemain de 1815, la monarchie parlementaire anglaise a besoin d'être dépoussiérée.

Mais le gouvernement craint qu'une révolution républicaine n'éclate au-delà de ces revendications. Le 16 août 1819, un meeting à Manchester est réprimé dans le sang. C'est le "massacre de Peterloo". Le gouvernement s'entête. Il tente cependant de calmer l'agitation en accordant des fonctions publiques aux non-conformistes puis aux catholiques. Mais en vain. En 1830, les revendications convergent avec des révoltes paysannes. En cause, la baisse des salaires et la perte d'emploi face à la mécanisation agricole.

La mort du roi George IV en 1830, fervent opposant à la Réforme, ouvre cependant la voie à une reprise ouverte des débats. Le monarque Guillaume IV y est favorable, et presse son premier ministre Lord Grey dans ce sens. Mais ce dernier est en minorité au Parlement, comme le relate alors Darwin dans son Journal de Bord. Alors que le jeune naturaliste découvre ces dernières nouvelles, il ignore que le Roi approuva la réforme au 7 juin 1832, mettant un terme aux difficultés de son premier ministre.

Si la Réforme de 1832 redéfinit le paysage électoral, il n'en reste pas moins que le suffrage demeure censitaire, et que la distinction entre bourgs et comtés demeure. Le nombre d'électeurs atteint les 800 000. La bourgeoisie en sort grandie, les classes populaires se sentent lésées. Pour éviter que le mécontentement ne perdure, le gouvernement promulgue en 1834 la "nouvelle loi sur les pauvres" qui prévoit des "maisons de travail forcé" pour les plus démunis en échange d'assistance publique ! Un nouveau parti émerge, le mouvement chartiste, qui exige le suffrage universel et le secret du vote, mais encore une véritable politique sociale. Mais il disparaît en 1848 dans ses propres querelles internes, sans réel succès électoral.


La Chambre des Communes en 1833, après les premières élections postérieures à la Réforme de 1832. Peinture de Sir George Hayter.

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