[1832] L' agroforesterie tropicale brésilienne et Darwin

Le 5 mars 1832, Darwin et l'aspirant King visitent plusieurs exploitations autour de Bahia. La diversité des plantes domestiques tropicales, associée à une entomofaune remarquables, vont immédiatement attirer l'attention du jeune naturaliste. « L'une des grandes supériorités que possède le paysage tropical sur celui de l'Europe est son caractère sauvage, lors même qu'il s'agit d'un sol cultivé » Charles Darwin, Journal de Bord.

Darwin est fasciné par les arbres fruitiers associés aux cultures maraîchères tropicales. Gourmand de fruits tropicaux, il note avec plaisir la polyculture sur ces parcelles de cocotiers, de bananiers, de plantains, d'orangers, et de papayers entourant les rangées de maïs, d'igname et de manioc. « Le fait de savoir que tout contribue à la subsistance des hommes accroît beaucoup le plaisir de contempler cette sorte de panorama ». Charles Darwin, op. cit.

Les parcelles que les deux jeunes gens visitent en cette chaude journée s'assimilent à de la polyculture. Cette pratique agronomique consiste à cultiver plusieurs espèces végétales sur une même exploitation agricole ou région naturelle. Les descriptions faites par Darwin permettent même de conclure que nous sommes en présence d'un modèle d'agroforesterie. Ce système de gestion des ressources naturelles permet, grâce à l’intégration des arbres dans les exploitations agricoles, de diversifier et soutenir la production tout en accroissant la résilience des paysages ruraux. En contrepartie d'une perte de rendements directe par rapport à des parcelles en champ ouvert ou en monoculture, l'agroforesterie met à disposition les services écosystémiques fournis par les milieux forestiers, tout en assurant des ressources alimentaires et économiques supplémentaires à l'exploitant. Au final, le modèle agroéconomique s'y retrouve gagnant par rapport à une surface monocultivée conventionnelle.


Agroforesterie contemporaine au Brésil (Amazonie)


La polyculture en agroforesterie est souvent associée à l'élevage, il s'agit même du modèle mixte le plus répandu. Les exploitations agroforestières étaient fréquentes en milieu tropical au XIXème siècle, les fameux jardins créoles en sont d'ailleurs les témoignages patrimoniaux actuels. De nos jours, l'agroforesterie contribue à la mise en place comme au maintien de paysages diversifiés et résilients. Un atout face au réchauffement climatique. De plus, l'agroforesterie multiplie les productions et les revenus des agriculteurs, ce qui réduit le risque de vulnérabilité économique des exploitations. En renforçant la biodiversité, les exploitations en agroforesterie bénéficient également des services écosystémiques rendus par la nature qui les environne. Ce système de gestion agricole se retrouve ainsi moins consommateur d'intrants de synthèse (pesticides et engrais) et entame alors un cercle environnemental vertueux.

Darwin aurait été certainement fortement intéressé par les recherches actuellement menées en agronomie et écologie sur l'agroforesterie tropicale. Même si son Journal de Bord ne rentre pas autant dans ces considérations agricoles. Néanmoins, l'impact positif de ce système de gestion sur la biodiversité ne manque pas de séduire notre jeune naturaliste, qui rapporte de son excursion une fructueuse collecte de Coléoptères. King, quant à lui, tire quelques oiseaux tropicaux et un gros lézard. Le dîner est tout trouvé. Malheureusement, la grande majorité des espèces identifiées au Brésil ne sont pas indiquées avec une date des plus précises dans les Notes zoologiques. Nous n'en saurons pas plus sur les espèces faunistiques rencontrées. Et Darwin de conclure cette journée : « C'est une chose nouvelle & agréable pour moi d'avoir conscience que naturaliser fait mon devoir, & que si je négligeais ce devoir je négligerais en même temps ce qui depuis quelques années me fait tant de plaisir » Charles Darwin, op. cit. La passion du terrain est alors dévorante chez notre jeune naturaliste !

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