[1832] De la difficulté d'observer les oiseaux dans la jungle brésilienne

La journée du 21 mai 1832 n'est pas exceptionnelle dans Journal de Bord de Charles Darwin, mais elle souligne le caractère encore sauvage du paysage de Rio de Janeiro en ce début de XIXème siècle. Notre jeune naturaliste reprend alors l'inventaire de la faune et de la flore brésilienne en tentant une approche à l'affût des oiseaux et animaux forestiers. Mais la litière du sol est parsemée d'un épais tapis de brindilles, qui rendent très bruyants chacun de ses pas.

A défaut de matériel optique performant comme en utilisent les ornithologues contemporains, Darwin peine à réaliser ses observations ornithologiques à l'œil nu, ou au mieux avec des longues-vues marines de qualité plutôt médiocre. Au XIXème siècle, les naturalistes compensent ce manque de qualité optique par un prélèvement quasi-systématique des spécimens qu'ils étudient. Nous sommes alors à l'époque des naturalistes chasseurs, dont la représentation la plus connue demeure la figure de Jean-Jacques Audubon.

Le sol est jonché de feuilles mortes et de brindilles, soulignant au passage la forte production de matière organique de ces milieux tropicaux. Darwin tente alors une approche en billebaude, mais le bruit de ses pas sur ce tapis de matière sèche donne aussitôt l'alerte ! Pire encore, les chemins forestiers sont insuffisants pour s'enfoncer à loisirs dans la jungle environnante. Il ne peut parcourir que quelques mètres dans les boisements vierges, sans même parvenir à atteindre la mer dès lors qu'il s'aventure au-delà de la baie de Botafogo.

Les conditions demeurent donc rudes en ce mois de mai brésilien pour notre jeune anglais. Et le climat tropical n'arrange rien au moral. « Cette nuit, il y avait de nombreux éclairs et il faisait très lourd. Autant que je puisse en juger, il semblerait que dans les pays chauds, l'effet produit sur le corps augmente proportionnellement beaucoup plus vite que la température, c'est-à-dire que si, en ce moment, le thermomètre devait monter jusqu'à 85°F (29,4°C), les effets débilitants seraient plus que doublés par rapport à une température de 80°F » Charles Darwin, Journal de Bord.

Les biomes tropicaux sont bien connus pour leur redoutable combinaison de chaleur et d'humidité. Et si l'Angleterre n'en demeure pas moins une nation au climat humide, le biome tempéré auquel elle appartient n'est en rien comparable au climat brésilien que Darwin expérimente depuis quelques semaines désormais. Mais il en faut plus pour abattre notre jeune naturaliste. Alternant jours de collectes et de repos, Darwin n'en va pas moins progressivement enrichir ses collections et son journal de Notes zoologiques et réaliser d'importantes découvertes à venir. Courage, Charlie !


Árvore gigantesca na selva tropical brasileira. Johann Moritz Rugendas (1830)



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