[1832] Rencontre avec un Martin-chasseur à tête grise

Dans son récit « Voyage d'un naturaliste autour du monde », Darwin relate l'observation au Cap-Vert (16 janvier 1832 – 8 février 1832) d'un « Martin-pêcheur (Alcedo iagoensis) qui se pose stupidement sur les branches qui se pose stupidement sur les branches du ricin et s’élance de là pour saisir les sauterelles et les lézards ». Il crée alors, sans le vouloir, une confusion entre deux noms vernaculaires d'espèces d'oiseaux.

« Cet oiseau porte de vives couleurs, mais il n’est pas aussi beau que l’espèce européenne » rajoute-t-il. Et pour cause ! Le Martin-pêcheur d'Europe (Alcedo atthis) est tout simplement absent du Cap-Vert. Or Charles Darwin observe à un Alcedo iagoensis, selon le texte cité précédemment. Un oiseau qui se distingue de notre Martin-pêcheur par le plumage, mais aussi par le comportement : « il diffère aussi considérablement de son congénère d’Europe par sa manière de voler, par ses habitudes et par son affection pour les vallées les plus sèches, qu’il habite ordinairement » (op. cit.). Alors, de quel oiseau parle-t-il en réalité ? Pour retrouver sa « coche » ornithologique, il faut revenir sur ce curieux nom scientifique «  Alcedo iagoensis ».

Ce nom d'espèce est particulièrement ancien, et quelques recherches permettent de relier Alcedo iagoensis comme synonyme de Dacelo iagoenis1. Un nom scientifique désormais désuet puisque remplacé par Halcyon leucocephala, soit en nom vernaculaire un Martin-chasseur à tête grise. Plus précisément, Darwin a certainement observé la sous-espèce Halcyon leucocephala acteon, endémique au Cap-Vert. Son comportement alimentaire est d'ailleurs original. Comme l'indique Darwin, l'oiseau prédate aussi des lézards. Ce qui est une caractéristique des populations endémiques du Cap-Vert aussi bien capables d'attraper des Invertébrés que de petits Vertébrés. Alors que les populations africaines se contentent uniquement d'Invertébrés.

Lors du retour du Beagle au Cap-Vert en 1836, Darwin ne croisa pas à nouveau son Martin-chasseur. Aussi pensa-t-il qu'il s'agissait d'un hivernant du Cap-Vert. A tort, en réalité. Il est aussi à noter que du temps de Darwin, Martin-chasseur à tête grise et Martin-pêcheur d'Europe étaient fortement apparentés, ce que la génétique moderne infirme désormais. S'il avait eu plus le loisir d'étudier ces oiseaux, peut-être aurait-il aussi repris cet exemple comme une preuve supplémentaire de spéciation pour son « Origine des Espèces » ?


Illustration : Martin-pêcheur à tête grise, dessin de Georg Foster, 1772.

1Szabo, Ildiko. « Kingfisher ». Reaktion Books, 2019, 219 p.

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