[1834] Darwin à l'ascension du Mont Tarn
Le 6 février 1834, Darwin quitte le Beagle à quatre heures du matin pour se lancer dans une longue randonnée. L'objectif du jour ? Partir à l'ascension du Mont Tarn, culminant à 792 mètres d'altitude au-dessus du niveau de la mer. La randonnée est tout de même impressionnante, car le Beagle est au mouillage à Port-Famine, soit tout de même à près de 20 km du sommet du Mont Tarn. Et les conditions météorologiques de la journée sont particulièrement difficiles ! Le vent souffle sur les crètes, le brouillard ne se lève pas pour autant et par cette absence de visibilité, Darwin est obligé de marcher en se guidant uniquement à la boussole ! Aussi les ravins croisés en chemin durent se révéler de dangereux pièges durant son ascension. D'autant plus dangereux que ces étroites vallées d'érosion sont encombrées de troncs d'arbres pourrissants. Enfin, tout ruisselle d'eau, rendant certainement le sol des plus glissants !
Le Mont Tarn (Punta Arenas, Chili). Photographie Google / Manuel Troncoso (2022) |
Bon gré mal gré, Darwin parvient à trouver son chemin dans cette forêt putride et humide. Voilà que les arbres deviennent rabougris alors qu'il continue sa montée, le sommet n'est plus très loin. Le ciel s'est enfin dégagé, puisqu'une fois atteint son objectif, il jouit d'une vue imprenable sur la Terre de Feu ! Hélas, le froid l'empêche de profiter plus longtemps du panorama. Il lui faut redescendre, non sans difficultés. Au moins commente-t-il, les chutes et glissades se font toujours dans la bonne direction. L'important est de rentrer à bord du brick-sloop, tant pis pour la démarche !
Mais l'ascension du Mont Tarn ne se limite pas à une randonnée chaotique. Darwin y collecte des fossiles : « J'eus la chance de trouver quelques coquillages dans les rochers près du sommet » Charles Darwin, Journal de Bord. Il ne s'agit pas de coquillages du Cénozoïque, comme lors de ses études de la géologie de la Pampa, mais cette fois-ci d'Ammonites datant du Mésozoïque. Une magnifique découverte pour l'époque, car Darwin va être le premier savant à collecter des Ammonites sur le continent sud-Américain ! Forbes décrivit en 1846 cette Ammonite sous le nom savant de Ancyloceras simplex (d'Orbigny, 1842). De nos jours, les paléontologues proposent plutôt de la classer dans le genre Maorites sp. datant du Maastrichtien (Crétacé supérieur), la confusion étant probablement lié à une déformation du fragment sous l'effet des contraintes tectoniques.
Fossile d'Ammonite collecté par Darwin sur le Mont Tarn (6 février 1834)
Darwin écrivit quelques années plus tard au sujet des affleurements sédimentaires observés en Terre de Feu durant son voyage à bord du HMS Beagle : « The great clayslate formation of Tierra del Fuego being Cretaceous, is certainly a very interesting fact,--whether we consider the appearance of the country, which, without the evidence afforded by the fossils, would form the analogy of most known districts, probably have been considered as belonging to the Palaeozoic series » Charles Darwin, Geological observations on South America (1846). Un constat maintenant confirmé de manière robuste et bien plus étayée par les géologues contemporains, comme le souligne l'article de Olivero et al. (2009) qui reprend les notes de Darwin comme point de comparaison historique aux données stratigraphiques et paléontologiques actuelles. Comme à chaque étape de son Voyage en Amérique du Sud, il est passionnant de remarquer à quel point Darwin fut une figure majeure de la géologie de ce sous-continent !
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