[1831] Darwin et la traversée de la Baie de Biscaye

En cette fin d'année 1831, le HMS Beagle vogue en direction de l'archipel de Madère. La voie maritime la plus évidente au départ de Plymouth consiste à rejoindre la mer d'Iroise après avoir vogué sur la Manche, puis cap au Sud le long du Golfe de Gascogne. Ce célèbre golfe comprend une portion limitée de l'océan Atlantique, de la pointe de Penmarc'h au Nord jusqu'au cap Ortegal au Sud. Sa superficie totale est de 223.000 km² et comprend une marge continentale passive marquant la transition entre croûte continentale Eurasienne et croûte océanique Atlantique. Cette étendue marine, que nous connaissons comme Golfe de Gascogne, porte bien des noms différents. C'est la Baie de Biscaye des anglais, le Bizkaiko golkoa des Basques, ou plus sobrement Ar golf en Breton (mais aussi Pleg-mor Gwaskogn).


Bay of Biscay - peinture à l'huile par Henry Redmore (1820–1887). Photo credit: Rotherham Heritage Services.


A l'époque de Darwin, les connaissances géologiques ne sont pas suffisamment développées pour distinguer marges continentales actives ou passives. Pourtant, les reliefs marins intéressaient déjà fortement les hydrographes, ne serait-ce que pour sécuriser la navigation. En témoigne la fameuse recherche des "Huit Pierres" ce récif mystérieux au large de Madère. Mais revenons à notre marge continentale passive. Elle comprend tout d'abord un plateau continental, à pente d'inclinaison et bathymétrie (profondeur d'eau) très faibles (moins de 200 mètres pour un angle de 0°7'). Il est suivi par un talus continental, relief souvent représenté comme abrupt mais de pente inclinée assez douce (de l'ordre de 4° seulement). Le talus plonge cependant en profondeur, jusqu'à atteindre à sa base un bombement de sédiments nommé glacis continental. Il s'agit alors de la couche superficielle masquant la transition entre croûte continentale et croute océanique. Enfin, le relief marin se poursuit au-delà du glacis dans le bassin océanique, composé pour l'océan Atlantique de deux plaines abyssales séparées par une dorsale ou crête médio-océanique. Si aujourd'hui nous savons qu'une dorsale consiste en une limite divergente de plaques, ce n'était pas le cas de la géologie du temps de Darwin !




Géopolitiquement, le plateau continental peut avoir une importance majeure, puisque le droit international reconnaît qu'un état riverain peut agrandir sa zone économique exclusive (ZEE) au-delà des 200 miles marins dès lors que ce plateau s'y étend, preuves géologiques à l'appui, et ceci pour une limite maximale de 350 miles marins. C'est ainsi que la France possède la seconde plus grande superficie de ZEE grâce à ses départements et territoires d'Outre-Mer, alors que notre superficie terrestre nous classe au 41ème rang mondial ! Petite revanche sur la marine britannique triomphante du XIXème siècle, les anglais n'ont que la sixième plus grande superficie de ZEE. Mais le record en la matière revient probablement aux Îles Marshall, 209ème superficie terrestre avec seulement 181 km², mais 19ème superficie de ZEE avec une étendue de 2 millions de km² ! 

Revenons au HMS Beagle. Le 29 décembre 1831, le brick-sloop franchit le point le plaçant à 704 km de Plymouth et 1482 km de Madère. La forte houle fait souffrir Darwin qui doit rester au repos dans son hamac. Le 30 décembre 1831 à midi, par 43° de latitude, le cap Finisterre est franchi et la golfe de Gascogne est en poupe du Beagle. "Terriblement abattu et très malade", Darwin se repend de s'être précipité dans cette expédition ! Ce ne sera hélas pas la dernière fois qu'il souffrira du mal de mer et que les idées sombres hanteront ses nausées. Le 31 décembre marque une accalmie. Darwin en profite pour décrire ses deux premières observations zoologiques du voyage : des Marsouins et un Pétrel tempête (Océanite tempête). Ce répit est hélas de courte durée, le mauvais temps reprenant de plus belle. Enfin, au 3 janvier 1832, le HMS Beagle approche de Madère.

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