[1835] Excursion dans la Cordillère des Andes (2/3)

Poursuivons notre récit de cette grande excursion de Darwin dans la Cordillère des Andes. Le 22 mars 1835, le petit groupe atteint la chaîne de Portillo. Il s'agit d'un haut alpage, destiné aux estives du bétail. Mais point de cheptel ni de Guanacos, les fermiers comme ces animaux sauvages craignant une tempête de neige prochaine. Plus loin devant eux, se dresse le massif de Tupungato, entièrement recouvert d'un manteau de neige vierge. Le muletier de l'expédition prétend qu'un volcan est présent dans cette chaîne de montagnes. Le Tupungato, qui culmine à 6570 mètres, est en effet un volcan. Bien que de nos jours, l'activité volcanique s'est déplacée vers le Tupungatito, à la frontière entre l'Argentine et le Chili.


Volcans du Tupungato (crédits : Wikipedia)


Le paysage est magnifique, entremêlé de névés et de granite rouge. Mais aussi mortellement dangereux, comme en témoigne le corps congelé d'un cheval. Depuis combien de temps est-il condamné dans la glace ? Au 23 mars, après une veille dans la brume particulièrement pénible, le petit groupe franchit un col et s'enfonce littéralement dans un nuage. En début d'après-midi, ils trouvent de quoi allumer un feu et font halte dans un secteur que ses guides identifient comme Los Arenales. L'altitude, selon Darwin, est de 2133 mètres. Les conditions sont beaucoup plus arides, la végétation de stade alpine lui rappelle la Patagonie. Cédric Dentant n'avait pas tort lorsqu'il rêvait Darwin en alpiniste ! Sa passion pour les sommets, ajoutée à son sens aigu de l'observation, font que la faune et la flore de la Cordillère des Andes aurait très bien pu le porter à émettre des hypothèses écophysiologiques et évolutionnistes bien plus précocement que « L'Origine des Espèces » s'il n'avait eut alors un intérêt aussi aigu pour la géologie.

Le 24 mars 1835, au détour du chemin, il est temps de présenter ses passeports au baraquement gardé par trois soldats et un douanier ! Le pays n'est pas si sauvage et abandonné qu'il n'y paraît, les frontières sont bien gardées, même au cœur de la Cordillère. Et gare aux contrebandiers ou contrevenants ! Un homme tenta d'échapper à la douane voici quelques années ; un des soldats qui est de sang indien n'eut aucun mal à le pister et le surprendre ! Les habitants sont rarissimes dans ces contrées, bien-sûr, et quand le petit groupe approche de l'Estancia de Chaquaio, ils ne manque pas de demander l'hospitalité pour la nuit. Le 25 mars, nos aventuriers poussent vers Mendoza. La distance représente deux très grosses journées de voyage. Darwin remarque les salines naturelles similaires à celles de Bahia Blanca ; ici aussi, les mêmes plantes halophiles. Il semble qu'il ait franchi la démarcation naturelle entre le bassin Pacifique et le bassin Atlantique, car désormais la faune n'est pas sans lui rappeler celle de l'intérieur des terres de La Plata. Un imposant vol de criquets les surprend, le gros nuage bourdonne littéralement alors que les insectes semblent rechercher une surface à ravager. Ce n'est pas un fléau rare en ces contrées. Et si Darwin Darwin juge l'essaim plus modeste que ceux d'Orient, il n'y fait aucune allusion biblique.

Continuant sur Mendoza les 26 et 27 mars, ils retrouvent plus de population. Les vergers sont nombreux, la province argentine de Mendoza n'est cependant cultivée que sur sa portion occidentale, avant de devenir une plaine à bétail telle que la Pampa en connaît tant. Les cultures doivent cependant leur fertilité à l'irrigation artificielle. Quant à la population, Darwin leur reproche leur alcoolisme et leurs origines qu'il assimile implicitement à une basse extraction. le 28 mars, le petit groupe arrive tôt à Mendoza. La prospérité de la cité a décliné, et la chaleur abrutissante n'arrange en rien le jugement de Darwin. Et les prochains jours à traverser le paysage aride parallèle à la Cordillère des Andes ne va guère lui faire changer d'avis. Mais notons cependant l'exploit : Darwin et ses compagnons ont traversé la Cordillère !

Nous ne nous attarderons guère sur la cité de Mendoza, car Darwin n'y séjourne qu'une nuit avant de poursuivre son périple. Dès le 29 mars, le petit groupe suit un chemin de traverse absolument stérile de 72 kilomètres vers le Nord. Le plateau est poussiéreux, et le parcours très éprouvant. Ils cherchent anxieusement de l'eau, et c'est avec un réel soulagement qu'ils en trouvent à la Villa Vicencio. Quel nom pompeux pour une villa, nous met en garde Darwin ! L'arrêt n'y dure qu'une demi-journée. Le soir, en route vers l'Hornillos, et le 1er avril, un peu de géologie autour de ce secteur aurifère. Déjà, le petit groupe oblique pour traverser de nouveau la Cordillère.


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