[1835] Excursion dans la Cordillère des Andes (1/6)

Du 14 mars au 5 juillet 1835, Darwin va entreprendre deux importants voyages terrestres dans la Cordillère des Andes chilienne. Outre les découvertes géologiques qu'il va entreprendre, ces deux périples s'inscrivent dans les derniers en Amérique du Sud. En effet, il n'aura occasion ensuite que de visiter brièvement le Pérou, puis de faire escale dans l'archipel des Galápagos. Après quoi, le HMS Beagle entamera sa circumnavigation de retour vers l'Angleterre. Il est quelque peu étrange, après tous ces mois passés à suivre le célèbre Voyage de notre jeune naturaliste autour du Monde, de penser que nous entamons déjà les ultimes grandes aventures !

Mais commençons par cette première excursion, entre mars et avril 1835. D'abord installé chez Mr. Corfield à Valparaiso, Darwin part au 14 mars pour Santiago. Là bas durant le 15 mars, M. Caldcleugh l'aide à préparer ses effets en vue du périple qui l'attend. Le 18 mars, il part pour Mendoza par le Col du Portillo. Il est guidé par Mariano Gonzales, une vieille connaissance, et un muletier. Le cortège compte pas moins de dix mules et une jument, répondant au doux nom de Madrina. Tout laisse à penser que son assistant, Syms Covington, l'accompagne aussi. Détail intéressant, il s'agit d'un nom générique pour désigner la jument qui, dotée d'une cloche autour du cou, donne le rythme de la marche au cortège de mules.

Si les mules sont si nombreuses, c'est en raison des vivres et du matériel. En effet, il n'est pas exclu que la neige les surprenne chemin faisant. Il faut donc prévoir en conséquence. Quittant Santiago au matin, le cortège passe par la vallée del Maipo, réputée pour ses vergers. Le soir, la douane procède à une inspection minutieuse de leur caravane. Mais Darwin, en homme prévoyant, s'était v remettre un passeport signé du Président du Chili en personne. Aussi les fonctionnaires ne lui font guère de manières ! Le voyage débute sous les meilleurs augures ; rajoutons à cela la politesse irréprochable des locaux que notre gentleman anglais ne peut s'empêcher de souligner !


Paysage d'altitude de la vallée du Maipo. Crédits : Nelson Pérez / Wikipedia


Le 19 mars, le petit groupe d'aventuriers remonte la vallée du Maipo. Les maisons se font rares alors que la pente se raidit. Le fleuve devient torrent, les galets s'entrechoquent dans un grondement inquiétant. Les flancs escarpés révèlent une stratification frappante. De ce col escarpé, les explorateurs peuvent atteindre des vallées supérieures. Le soir, ils dorment dans une maison isolée au pied de la montagne des mines de San Pedro de Nolasco. Le sommet de ce pic, enneigé, culmine à 3048 mètres d'altitude! Si ces mines d'altitude sont abondantes en minéraux, la pénurie évidente de bois à cette altitude pousse les ouvrier à descendre fort loin en rechercher ! Et Darwin le confirme au lendemain 20 mars. La végétation se fait fort rare alors qu'ils continuent leur périple. Les vallées d'altitude témoignent de l'érosion : elles sont remplies d'alluvions. Pour Darwin, rien de plus clair : ces dépôts sédimentaires furent déposés par l'océan lorsque le niveau du sol n'avait pas encore été surélevé. Nous avons bien évidemment un tout autre récit géologique aujourd'hui. Mais il faut reconnaître qu'à son habitude, Darwin fait preuve d'un sens de l'observation aiguisé lui permettant de poser cette conclusion non pas comme une hypothèse fantasque, mais comme la conclusion d'un examen attentif des preuves géologiques à sa disposition. En d'autres termes, sa proposition demeure tout à fait pertinente à la lumière des connaissances scientifiques de son époque.

Continuant au 21 mars cette randonnée montagnarde, le petit groupe atteint la ligne de partage des eaux entre le bassin Pacifique et le bassin Atlantique. C'est alors que commencent les difficultés ! Le passage à travers la Cordillère longe deux crêtes d'une hauteur de 3657 mètres. La première, nommée Piuquenes, marque également la frontière entre les Républiques du Chili et de Mendoza. L'ascension est rendue difficile par la raréfaction de l'air, Darwin éprouve une pénibilité respiratoire. L'essoufflement provoqué par ce mal des montagnes est appelé localement « Punado ». Darwin en éprouve des douleurs à la tête et à la poitrine, mais oublie ses gênes dès lors qu'il tombe sur des coquillages fossiles ! Une fois de plus, ses hypothèses prennent forme. Chemin faisant, il ne peut s'empêcher de penser à Humboldt, le naturaliste qu'il admire tant et qui décrivit son ascension jusqu'à 5791 mètres d'altitude...

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