[1833] Une expédition dans la pampa uruguayenne (3/4)

Les 12-13 mai 1833, Darwin et ses deux compagnons poursuivent leur excursion à cheval au départ de Las Minas par la traversée du Rio Marmaraga puis du Rio Tapes. Enfin, les trois cavaliers font étape dans une pulperia au nord du Rio Polanco. C'est le point le plus septentrional du périple, soit à 70 miles en ligne droite depuis Maldonado. Chemin faisant, les deux guides gauchos démontrent leur redoutable agilité en capturant à cheval des perdrix à l'aide d'un nœud coulant au bout d'un bâton ! La technique consiste à décrire des spirales autour de la perdrix, et la capturer quand elle s'accroupit pour se cacher. La méthode est plutôt efficace, puisqu'un jeune garçon suffisamment habile peut en capturer trente à quarante par jour !

Darwin, pour sa part, réalise des relevés géologiques de la région. Il y note des affleurements de roches en ardoises bleues et pâles, de marbres blancs et fins, et de gneiss imparfaits. Sans le savoir, il est en train de décrire des roches à la surface du craton précambrien du Rio de la Plata. Pour rappel, un craton est une portion de croûte continentale stable et ancienne qui n'a jamais connu d'orogenèse. Ces zones se caractérisent donc par la présence de roches anciennes, souvent métamorphiques.

Les alentours sont réputés pour leurs filons d'or, notamment prospectés à Las Minas, mais selon Darwin ces gisements furent très vite abandonnés car peu rentables. Ce qui explique le nom de la petite bourgade, ainsi peut-être que la présence de quelques spécimens locaux tout droit sortis de films de western. Prenons pour preuve la bagarre qui éclate au 14 mai entre un vieux paraguayen qui fut leur guide le matin même et plusieurs gauchos. Le vieil homme s'enivrant dans une pulperia se sentit outragé par ses concitoyens. Sortant son couteau de son poncho, un gaucho arrêta son geste et le lui confisqua. Après cela, les autres gauchos le menacèrent de le larder de leurs propres couteaux ! Non contents de cela, ils le précipitèrent à travers la pièce et le ruèrent de coups. Darwin semble avoir bien compris que dans ces contrées brutales, il faut mieux faire apparat de ses propres armes. Aussi porte-t-il un grand couteau pliant à la façon des marins, attaché par un cordon autour du cou. Si cela ne manque pas d'intriguer les gauchos, au moins le laissent-ils en paix !



Le 15 mai 1833, le mauvais temps est de la partie. Darwin est contraint de rester à attendre que la pluie passe dans une pulperia. « Le comble de l'ennui » commente-t-il. Le 16 mai, le petit groupe de cavaliers entame le chemin de retour. La pluie de la veille a gonflé les cours d'eau, qui sont difficiles à franchir à gué. Le 17 mai, retour à Las Minas. Le relief est accidenté, comme l'a déjà décrit Darwin. Les compagnons passent par une formation géologique d'ardoises et croisent une mine d'or abandonnée.

Le 18 mai 1833, le voyage de retour dans la pampa uruguayenne se poursuit. Darwin et ses deux compagnons ont traversé Las Minas et font halte dans la demeure du señor Sebastian de Pimiento. Dans cette charmante propriété que Darwin juge bien mieux meublée que les précédentes demeures visitées, les jeunes filles de leur hôte lui font un chaleureux accueil. Ne vous y trompez pas, nous parlons ici de bonne éducation !

La coutume, lorsqu'une jeune fille souhaite vous complimenter à table, consiste à ce qu'elle vous donne la plus belle part de viande de leur assiette. Darwin doit être bien vu parce qu'elles le resservent sans interruption ! Et hors de question de refuser, ce serait très malpoli. Aussi Darwin, qui n'est pas particulièrement réceptif à ces avances féminines, doit prendre son mal en patience, et attendre que vienne l'heure du coucher. Demain, c'est randonnée naturaliste à la Sierra de las Animas !

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