[1833] Une expédition dans la pampa uruguayenne (1/4)

Le 9 mai 1833, Darwin débute son périple dans l'arrière pays de Maldonado avec ses deux guides gauchos ! « Comme il faisait beau, j'ai persuadé mes deux guides & compagnons de nous mettre en route » Charles Darwin, Journal de Bord. Les noms de ses compagnons de voyage sont Don Francisco Gonzales et Morante, un des serviteurs du premier nommé. Bien armés et accompagnés d'un troupeau de chevaux frais, voilà que Darwin se transforme en vrai Gaucho !

L'escapade va lui coûter pour12 jours d'excursion un total de 16 dollars. Un prix raisonnable selon Darwin. Mais il ne comprend guère au départ de Montevideo pourquoi ses guides sont armés. Sans doute prend-il trop à la légère la situation sociale chaotique alors que s'achève en Amérique du Sud trente années de combat des Libertadors pour l'indépendance des colonies hispaniques ! Mais en chemin, il va comprendre rapidement l'intérêt de ces armes, lorsque des habitants leur indique qu'un voyageur a été assassiné la veille non loin de Maldonado. Les sabres et pistolets de ses deux compagnons prennent alors un tout autre sens...



Fidèle à lui-même, Darwin a emporté différents instruments, dont une petite boussole de poche. Non seulement ces équipements de terrain lui seront utiles pour ses mesures géologiques, mais il s'avère que ces petits trésors vont lui attirer la sympathie de ses hôtes lors des étapes de son voyage. Il fait en effet rapidement sensation chez ces propriétaires de bétail en usant de sa boussole pour indiquer diverses directions ! Si grandes soient leurs terres, Darwin est frappé par le manque total d'éducation de ces riches fermiers. La boussole leur est inconnue, leur géographie mondiale se limite au lointain souvenir de l'Espagne, et même une simple allumette se révèle une précieuse marchandise qu'on lui rachète un dollar pièce !

La société de propriétaires terriens et ruraux de Maldonado à beau être très peu cultivée, son éducation religieuse n'a d'égal que son intolérance de cultes non-catholique. Il en faut peu pour éveiller les soupçons. Darwin porte alors la barbe, comme l'autorise la Royal Navy pour les voyages maritimes au long cours. Mais les locaux le regardent se laver le visage avec méfiance. L'épisode de Las Minas est particulièrement parlant : « Il me dévisageait d'un œil soupçonneux, peut-être avait entendu parler des ablutions dans la religion mahométane ; il savait que j'étais un Hérétique et en concluait sans doute que tous les Hérétiques sont des Turcs » Charles Darwin, op. cit. Darwin était, pour faire simple, un Anglican, donc un chrétien tout comme son hôte catholique. Et pourtant, l'inculture locale ne l’empêche pas d'être pris pour un musulman ! Bel exemple qui rappelle comment l’ignorance mène aisément à l'intolérance.

Pour autant, ses récits de voyage, sa boussole et ses allumettes, ainsi que sa manie de "casser les rochers" et ramasser les insectes le rendent aussi original que sympathique auprès des locaux. Ce qui facilita malgré tout l'hospitalité. Imaginez Darwin seul sans ses deux guides dans la pampa ! Il aurait à coup sûr été tué rapidement par ces éleveurs craintifs...




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