[1835] Darwin et la géologie du Nord Chili
Les travaux de Darwin au cours de ces longs mois passés au Chili concernent, rappelons-le, avant tout la géologie et la paléontologie. Nous avions déjà abordé ces connaissances nouvelles que son inaltérable soif de terrain avait enfanté. Mais il est temps de clore le séjour continental américain du Voyage de Darwin avec ce dernier billet naturaliste. Iquique et les alentours de Callao, au Pérou, ont beau avoir enthousiasmé Darwin dans son Journal de Bord, il ne leur consacrera que quelques paragraphes dans ses travaux. Peut-être parce qu'il y retrouve le théâtre sédimentaire et paléontologique habituel, bien que la répétition de son hypothèse d'élévation continental dut le réjouir.
Durant les dernières excursions terrestres de Darwin au Nord du Chili et au Sud du Pérou, notre jeune naturaliste eut occasion de réaliser de riches observations géologiques. Entre Valparaiso et Coquimbo, il s'intéresse outre les affleurements de granite et d'andésite, à la minéralogie du gypse. Entre Combarbala et Coquimbo, les fameuses veines métallifères de la région l'intéressent tout particulièrement. Outre les veines de cuivre, il note que la présence de veines d'argent, de cobalt, d'antimoine, d'arsenic et de mercure. L'argent étant présent pur comme en amalgame. On y trouve aussi de l'or, dans les pyrites de fer comme de cuivre. « La présence de veines métalliques semble évidemment connectée à la présence de roches intrusives, et au degré de métamorphisme qui eut lieu dans les différents districts du Chili » Charles Darwin, Geological observations on South America (1846). Ces aires métamorphiques sont généralement accompagnées par de nombreux dykes et des masses injectées d'andésite et de divers conglomérats porphyritiques. Ces derniers consistent en des couches alternées de lave sous-marine et de débris éruptifs.
Les bassins sédimentaires sont autant de terrains de jeu pour notre jeune homme. Dans la vallée de Copiapo, Darwin est fascinée par les stratifications multiples et colorées. Les lits successifs de dépôts sédimentaires ne sont-elles pas des preuves géologiques de l'élévation du bloc continental ? Darwin note au total pas moins de sept axes d'élévation ! La vallée de Despoblado présente même une stratification si remarquable qu'il étudie minutieusement ces couches géologiques, et en livre une carte stratigraphique détaillée (voir fig. ci-dessous) dans son ouvrage Geological observations on South America (1846). Côté paléontologie, les divers fossiles marins présents à la surface des couches sédimentaires confirment ses hypothèses d'élévation progressive du continent hors des eaux. Point intéressant, Darwin découvre à nouveau des impressions hélas imparfaites d'Ammonites. Hélas, il ne peut alors relier leur présence au Mésozoïque. Deux fossiles remarquables furent identifiés comme de nouvelles espèces et baptisées en son honneur par Forbes : les Bivalves Astarte darwinii (1846) et Gryphaea darwinii (1846).
La géologie du Nord Chili se présente comme une répétition de l'hypothèse déjà bâtie les mois précédents. Darwin en tira certainement une grande satisfaction, mais ne se dissipa pas pour autant et utilisa ces données pour achever son raisonnement dans ses Geological observations on South America (1846). La page continentale américaine s'achève alors, non sans un réel succès scientifique de Darwin. En l'espace de quelques mois, il vient de prouver la fiabilité de l'actualisme de Lyell. Et même si ses hypothèses furent de nos jours révisées, la méthode scientifique avait dès lors fait ses preuves.

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